Beaucoup rapprochent le cinéma d’Hafsia Herzi de celui d’Abdellatif Kechiche – auprès duquel elle a commencé sa carrière d’actrice –, mais ici, nous ne reconduirons pas ce réflexe consistant à définir une cinéaste dans l’ombre d’une figure masculine. Lors de la présentation du film au Festival de Cannes, plusieurs critiques ont effectivement établi un parallèle entre certaines séquences et celles de La Vie d’Adèle (2013). Si la seule similitude entre les deux films réside dans l’homosexualité du personnage principal, La petite dernière se distingue définitivement de l’univers du cinéaste franco-tunisien en traçant le portrait d’une jeune fille de banlieue qui se veut pudique et tendre dans la découverte progressivement sa sexualité.
La première partie du film présente Fatima comme une lycéenne solitaire et repliée sur elle-même. Cet isolement se traduit par un cadrage dans lequel elle apparaît presque systématiquement seule à l’écran, toujours enfermée dans l’image. En effet, son environnement social et religieux, peu ouvert à l’homosexualité, exerce sur Fatima une pression normative qui rend son cheminement conflictuel. Celle-ci tente alors d’appréhender sa sexualité en faisant des rencontres de femmes plus âgées sur Tinder ou en fréquentant des lieux emblématiques de la scène queer parisienne, tels que la Mutinerie ou le Rosa Bonheur. Le film intègre ainsi ingénieusement, en arrière-plan de son récit, une cartographie des lieux et des pratiques collectives de la communauté LGBTQ+. Certaines scènes confèrent une valeur documentaire au film comme c’est le cas de la séquence tournée lors de la Marche des Fiertés où sont filmés des pancartes prônant l’acceptation de toutes les sexualités ainsi que des slogans scandés — tels que « Vive les lesbiennes ! » — qui, en se répétant comme des mantras, renforcent la portée politique et festive du film.
C’est lorsque Fatima fait la rencontre de Ji-Na, une infirmière avec qui elle entame une relation amoureuse, qu’elle n’est plus seule dans le cadre, laissant place à sa première relation amoureuse. Toutefois, cette idylle, loin d’être aussi romantique qu’elle en a l’air, s’avère complexe et s’arrête brusquement lorsque Ji-Na confie souffrir de troubles dépressifs. Ce n’est qu’à la toute fin qu’elle réapparaît pour renouer avec Fatima, mais ses troubles restent, là encore, dans l’ombre, sans explication ni réelle mise en scène de leur évolution. L’absence de traitement de l’intériorité de Ji-Na ne constitue pas un problème isolé dans le film. En effet, l’exploration de la sexualité de Fatima n’est jamais abordée dans sa dimension personnelle, mais toujours à travers ses relations avec les autres. La petite dernière aurait gagné à approfondir sa représentation du lesbianisme en explorant plus intensément la thématique du rapport à soi, plutôt que de se focaliser presque exclusivement sur une histoire d’amour. La problématique de la religion et de l’homosexualité reste également en arrière-plan, comme un enjeu esquissé mais jamais véritablement travaillé. Ces lacunes trahissent en réalité une forme d’aveu : celui d’une réalisatrice qui a elle-même reconnu, en interview, avoir véritablement découvert la communauté LGBTQ+ au fil de l’écriture de son film.





