La Passion d’Augustine

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La réalisatrice québécoise Léa Pool filme avec amour et talent la vie d’un couvent dans les années 60, tout entier dévolu à la musique.

Régulièrement, des films québécois passionnants arrivent en France. C’est le cas de celui-ci, que l’on doit à Léa Pool, réalisatrice d’une vingtaine de films hélas peu connus en France, sur un scénario et des dialogues de Marie Vien. Augustine est une bonne sœur comme on disait alors, dans les années soixante au Québec, et sa passion est la musique, une passion tellement forte qu’elle en fera la pierre de base de l’enseignement de son couvent où l’on forme les jeunes filles – entre autres à la musique. Pour qui est musicien, ou juste mélomane, il est facile de mesurer l’importance de cette discipline à la fois sur le plan culturel et sur le plan de la maîtrise de soi et de ses émotions. L’école est tellement à la hauteur de sa tâche que, paradoxalement, ce sera aussi la raison de sa chute. Le couvent sera vendu au moment où on demande au clergé de se libérer d’une grande partie de ses dogmes, notamment d’enlever le voile, alors que le gouvernement québécois, de son côté, retire peu à peu les subventions aux écoles privées.

Ce film ne tombe pas dans le panneau et ne présente pas les sœurs comme un ensemble uniforme : elles sont presque toutes progressistes, voire de gauche, surtout Augustine qui finira d’ailleurs par se défroquer pour devenir la professeur de piano de sa jeune nièce talentueuse. Marie Vien a d’ailleurs pensé à sa « professeur de piano qu’elle aimait beaucoup et qui, je crois, déclare Léa Pool dans le dossier de presse, l’a inspirée mais je ne pense pas qu’il reste énormément de cette femme-là dans le film. Elle a juste été l’étincelle qui lui a donné envie d’écrire ce scénario. »



Réalisé et écrit par deux femmes, produit aussi par Lyse Lafontaine, sans être féministe de façon outrancière, La passion d’Augustine traite cependant de la cause des femmes puisqu’il parle du carcan religieux et de l’abandon en un seul jour du voile qui enfermait les religieuses. On pense bien évidemment dans cet épisode à ce qui se passe de nos jours avec ces musulmanes qui, de par le monde, sont obligées ou choisissent librement de se voiler, parfois intégralement. Ici, pourtant pas d’appesantissement sur la vie du couvent d’une manière misérabiliste ou dénonciatrice : il y a même des scènes assez cocasses où l’on voit des sœurs voilées de noir faire du patin sur la glace, car la nature est belle et bien filmée dans ce film qui est aussi un hommage au Québec, ou organiser une sorte de danse du patin pour lustrer le parquet. Ou encore la rigide professeur de français attachée à cette langue et qui se découvrira peu à peu très attachante.

Autre sujet important du film, la musique est abordée d’abord de manière réaliste dans son dur apprentissage qui nécessite rigueur et discipline, mais aussi dans les joies qu’elle procure et les récompenses puisque les jeunes filles, guidées par sœur Augustine la passionnée, réussiront de grands concours régionaux et nationaux en interprétant Bach, Chopin, Purcell avec talent, d’autant que la réalisatrice a choisi pour cela, en écrémant les écoles de musique, de jeunes actrices qui étaient aussi musiciennes. « Au départ, confie Léa Pool, j’ai commencé par rencontrer de jeunes comédiennes qui savaient tout juste jouer du piano. Je me disais que cela suffirait, qu’on tricherait un peu. Mais après quelques auditions, je me suis rendu compte que ça allait être tellement difficile et ennuyeux de devoir à chaque fois faire un autre plan sur les mains d’une vraie pianiste. J’ai donc complètement changé de direction et j’ai été chercher dans des écoles de musique. Au final, aucune des jeunes filles n’est comédienne, mais musicienne ! » Un travail donc vraiment musical ce qui est rare au cinéma, sans doute dû à la formation de documentariste de la réalisatrice, d’autant que le premier assistant à la caméra est lui-même musicien et que le film est supervisé musicalement par François Dompierre qui a signé, au Canada et dans le monde, la BO de plus de 60 films. Viva la musica !

Titre original : La Passion d'Augustine

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Durée : 103 mn


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