La Parade

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Un film audacieux et bien intentionné, certes, mais lesté par de nombreuses maladresses.

La Parade est une comédie populaire serbe. Voilà déjà une première singularité, le genre étant peu représenté sur les écrans français. Son sujet n’est pas moins surprenant : le film évoque la première Marche des Fiertés LGBT de l’ex-Yougoslavie, où le fait d’être homo – pire encore : de l’afficher – est considéré par l’immense majorité de la population comme l’opprobre suprême. L’intention affichée du réalisateur Srdjan Dragojevic : d’abord mettre le grand public dans sa poche par les effets les plus potaches, pour ensuite mieux le sensibiliser à la tragédie des persécutions homophobes. Un film au fond engagé et courageux, donc, mais dont il ne faudrait pas pour autant taire les maladresses.

 

Du début à la fin, La Parade a du mal à trouver ses repères. Il s’agit d’abord d’une comédie burlesque, avec arrière-fond sociétal authentique, certes délibérément caricaturé. On pense autant à Emir Kusturica qu’à La Cage aux folles (Edouard Molinaro, 1978). En même temps qu’il brasse des clichés de films mafieux, le film possède une dimension engagée, voire militante, mâtinée de mélodrame sur sa dernière ligne droite. Comment mêler toutes ces tonalités, danser d’un pied puis de l’autre ? En y mettant le maximum d’énergie, et surtout le moins de finesse possible, semble penser le réalisateur, qui fonce droit dans le mur tant il semble au fond angoissé par son sujet (sans doute à raison, au regard des mentalités) et tente de se protéger en mettant le maximum de rieurs de son côté.

 
D’où un résultat très inégal. Le meilleur du film : outre les cartons informatifs finaux, la façon dont les rebondissements d’un scénario parfois savoureux s’articulent avec certaines références à l’histoire locale récente – les retrouvailles d’anciens combattants serbes, croates, et cætera – ou à une cinéphilie classique prise à contre-pied – les citations des Sept Mercenaires (John Sturges, 1960) et surtout de Ben-Hur (William Wyler, 1959). Comme n’a jamais manqué de le souligner son co-scénariste Gore Vidal, ce péplum viril et imprégné de religiosité est évidemment gay, au grand dam de la majorité de ses amateurs : rien de très original, mais le paradoxe est joliment exploité le long de trois ou quatre scènes. Cependant, sur la plus grande partie du film, ce sont les maladresses qui l’emportent. Le spectateur est vite las du mauvais goût des gags, pas assez subversifs pour devenir drôles, et surtout de la profusion de clichés lourdingues et faisandés (la voiture rose, le personnage du véto…), n’épargnant heureusement personne, pas plus les hétéros que les homos, les hommes que les femmes, ou une ethnie qu’une autre.
 
Finalement, cette incapacité du metteur en scène à trouver le ton juste, l’équilibre entre gravité et légèreté, atténue vraiment la portée du film. Mais pas son intérêt. Entre l’hostilité ouverte manifestée aux gays en Serbie et la tolérance de façade affichée dans d’autres pays a priori moins rétrogrades, la différence est-elle si profonde ? On le suppose, on l’espère, mais on en doute parfois, au vu de certains remous de l’actualité récente. Ne serait-ce que par ce léger flottement qu’il suscite, fissurant son vernis burlesque et faussement exotique, ce film mérite le coup d’œil.

Titre original : Parada

Réalisateur :

Acteurs : ,

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Durée : 115 mn


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