La Grammaire intérieure

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Première copie bien sage pour un film sur l’enfance comme refuge éternel.

Jérusalem, années 60. Un lot d’appartements encercle un arbre majestueux et la vie de quartier banale, avec son lot d’envies et de frustrations.

La famille de Aharon attend. La mère attend le moindre faux pas de sa progéniture pour le couvrir de reproches. La sœur aînée attend une convocation pour l’armée, la grand-mère attend la mort et le père attend que ça passe. Aharon regarde ces adultes, espérant que le temps ne fera pas de lui un être trop mesquin, inapte à l’amour et à l’affection de ses amis, et pourquoi pas d’une fille si jolie.

Adapté du roman de l’écrivain israélien David Grossman, le jeune cinéaste prend le risque d’un matériel littéraire très dense, écrit à hauteur d’enfant. Les pensées intimes du petit garçon composent la majorité de l’ouvrage, s’étalant sur quelques années, jusqu’en 1967. Chronique familiale, mais aussi récit d’apprentissage, le film fait des détours par la comédie de mœurs tant la famille du petit garçon s’avère haute en couleurs. Couleurs sombres lors des repas de famille, où la caméra tourne autour de la table tandis que les personnages asphyxiés subissent la figure maternelle. Ner Bergman est plutôt inspiré lorsqu’il croque ce personnage de marâtre jalouse et frustrée qui semble puiser sa force dans l’anéantissement de celle des autres. Corsetée dans sa petitesse, la cellule familiale étouffe, sans amour, avec comme seul horizon une passivité déprimante, plutôt bien filmée entre les quatre murs de l’étroit foyer.

Une piste scénaristique lancée assez tôt dans le film méritait presque un film à elle seule. Le mari, homme à tout faire, s’entiche d’une jeune et belle pianiste voisine d’immeuble. Attirance réciproque, poussant la dame à l’engager pour casser une cloison dans son appartement. Le travail se transforme en une quête d’intimité des deux personnages, bien entendu traquée par l’épouse, qui transporte la tension de son appartement jusqu’à celui auparavant lumineux de la jeune femme. Le drame s’insinue douloureusement dans le jeu sentimental lorsque la pianiste, de plus en plus désespérée, se ruine pour engager le mari, lui faisant détruire tous les murs de son logement, en une métaphore assez cruelle du désespoir amoureux.

Étrange pourtant de constater que cette première heure de film ne trouve aucunement sa force dans le contrepoint du regard de l’enfant, censé pourtant en être le narrateur. Si plusieurs passages en voix-off laissent entendre de belles lignes réflexives sur le refus de Aharon de grandir, il n’y a rien chez l’enfant de la violence supposée de son rejet de « la grammaire des adultes ». Trop lisse, il intéresse peu, on est bien loin du petit Max et ses Maximontres, pour citer une adaptation incroyable de Maurice Sendak, ou bien entendu des 400 coups du jeune Antoine, ainsi que des quelques Visions d’enfance regroupées dans notre Coin du Cinéphile. L’utilisation du syndrome de Peter Pan, où le garçon cesserait de grandir à partir de ses 10 ans, argument principal du film, n’a pas non plus de prise sur un déroulement routinier, qui s’étire en longueur.
Ce ne sont pas non plus les quelques résonnances politiques – Israël célébrant la Fête de l’Indépendance – questionnant vaguement les sacrifices accomplis par le pays pour grandir et bientôt renoncer à son innocenc, qui suffisent à maintenir notre intérêt.

Il manque véritablement un point de vue plus fort, un regard enfantin plus explicite, ou bien une rudesse du traitement pour qu’un sujet comme le passage de l’enfance à l’âge adulte ne reste pas une idée vaguement nostalgique et plutôt molle.

Titre original : Hadikduk Hapnimi

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Durée : 110 mn


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