La crise économique dans le cinéma américain des années 30

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Où comment la crise fit naître une conscience politique à Hollywood.

L’insouciance des années folles prenait brutalement fin aux États-Unis entre le 24 et le 29 octobre 1929 marqués par un krach boursier historique. Causé, entre autres, par une bulle spéculative ayant provoquée toute sortes d’imprudences, l’évènement entraîne l’économie et le pays dans le chaos. Au-delà des images inscrites dans l’inconscient collectif de la vague de suicidés se jetant du haut des buildings, les conséquences seront graves pour l’ensemble de la population. Les plus riches se retrouvent ruinés ou voient leur patrimoine réduit à peau de chagrin. Les banques assiégées par les clients venus retirer leurs économies restreignent leurs crédits aux entreprises en difficulté. Celles-ci sont contraintes de licencier ou de cesser leur activité et les grands perdants seront bien évidemment les ménages les plus modestes plongés brutalement dans une extrême précarité. Le pays passera ainsi la première partie de la décennie dans une douloureuse récession.

Le cinéma, durant la période du muet, avait été le reflet du faste de ces années 20 avec l’extravagance des productions d’un Cecil B. DeMille, les grands films d’aventures de Douglas Fairbanks, le luxe des films historiques de Lubitsch… Tout cela ne disparaît bien sûr pas complètement à l’orée des années 30 mais Hollywood se fera néanmoins l’écho de ce contexte angoissé. Les genres les plus populaires s’imprègnent de préoccupations sociales marquées comme la screwball comedy La Vie facile de Mitchell Leisen, ce même Leisen réinterprétant magistralement le conte de Cendrillon dans le caustique et attachant La Baronne de minuit. Des cinéastes comiques se révèlent dans le drame comme Leo McCarey et son bouleversant Place aux jeunes ou de manière plus progressive comme Gregory La Cava passant du rire aux larmes en quatre grandes réussites : Mon homme Godfrey, Pension d’artistes, Primrose Path et La Fille de la cinquième avenue. On trouve dans trois de ces films Ginger Rogers qui après la fin de son duo vedette avec Fred Astaire dans la comédie musicale y gagnera ses galons de star en se réinventant en fille du peuple (ainsi que dans le plus mineur Mademoiselle et son bébé de Garson Kanin) auquel le public peut s’identifier. Les barrières de classes bougent également dans Les Invités de huit heures de George Cukor montrant le déclin d’un monde révolu, le réalisateur enfonçant le clou dans Vacances où il célèbre un idéal de vie libertaire hors des carcans d’une aristocratie sclérosée dans ses codes. Lubitsch dans Sérénade à trois ne dit pas autre chose, même si sa révolution est plus d’ordre sexuelle que sociale, le monde change à travers les épreuves subies.

C’est durant cette période qu’une certaine conscience de gauche et plus précisément communiste verra le jour à Hollywood. Ce sera l’avènement dans les années 40 d’un cinéaste comme Abraham Polonski, d’un acteur engagé comme John Garfield dont les choix artistiques découlent des privations de ses années difficiles. On le sait, ce bel élan sera détruit par le maccarthysme, la liste noire et les trahisons qui en seront les conséquences (dont une Ginger Rogers reniant son passé filmique et politique en dénonçant ses amis communistes). D’une crise majeure, le cinéma américain sut tirer des films marquants. Plus récemment, le krach boursier de 1987 inspira un Wall Street emblématique à Oliver Stone. On attend le grand film de la crise de notre temps, Martin Scorsese saura peut-être mettre tout le monde d’accord avec son prochain film sur le sujet…

Bonne lecture avant un prochain thème consacré à la vision de la famille dans le cinéma américain des années 50.


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