La Boîte de Pandore

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Une vraie réussite cinématographique, dans laquelle on retrouve avec plaisir Tsilla Chelton, l’inoubliable Tatie Danielle. Un film à la hauteur de cette grande comédienne, qui trouve ici un rôle émouvant et attachant, tout en grâce et en subtilité. À voir. Vraiment.

La Boîte de Pandore (en grec ancien, « Pandora » signifie « tous les dons »), avant d’être le titre d’un film particulièrement intense et émouvant, est une légende issue de la mythologie grecque. Dans cette jarre, créée sous les ordres de Zeus, sont enfermés tous les maux de l’humanité (Vieillesse, Tromperie, Folie, etc., mais aussi l’Espérance). Pandore (qui évoque aussi « la première femme » en grec), après son mariage avec Épiméthée, ne respecta pas sa promesse et ouvrit la boîte qui lui avait été offerte. Elle libéra ainsi les maux de l’humanité. Consciente de son erreur, Pandore referma la jarre. Seule l’Espérance, plus lente à réagir, resta enfermée dans la boîte. Symboliquement, la Boîte de Pandore est une métaphore exprimant le pouvoir pour l’être humain de garder l’espoir malgré les épreuves de la vie. Et c’est effectivement, avec tendresse et compassion, ce qu’évoque le film de Yesim Ustaoglu. Sa Boîte de Pandore est une ode à la vie, à cette capacité magique et presque mystique qui surgit de l’être humain dans les situations insoutenables. Un message d’espoir incroyablement réconfortant et salvateur.

Trois frères et sœurs, éloignés par les divergences, se retrouvent quelques jours afin de partir à la recherche de leur mère. Un trajet en voiture qui prend des allures de chemin initiatique, chacun devant se faire violence afin de trouver en lui les capacités qui leur permettront de continuer à avancer. Entre les pannes d’essence et autres obstacles sur la route, ils devront apprendre à attendre, à être patients et à s’écouter, dans un univers sans cesse en transformation. Une juste préparation de ce qui les attend par la suite. Leur maman s’est effectivement perdu dans la forêt. Mais cela n’est que le résultat d’une perte plus grave, plus profonde. C’est surtout dans son propre esprit que la mère ne trouve plus son chemin. Atteinte de la maladie d’Alzheimer, Nusret (Tsilla Chelton) n’est plus en capacité de se débrouiller seule. Baladée par ses trois enfants incapables de prendre les bonnes décisions, c’est auprès de son petit fils que Nusret trouvera l’équilibre. Dans cette vraie réflexion sur les rapports entre générations, la conjugaison des deux solitudes s’intensifiera par le mutisme verbal.

  

Tsilla Chelton, en grand-mère peu bavarde, est touchante de vérité. Un rôle à la hauteur de cette immense comédienne qui débuta au théâtre à l’époque des Eugène Ionesco et Nicolas Bataille. Époustouflante et juste, elle apporte à Nusret le symbolisme et le mystère liés à la maladie d’Alzheimer. Tel un fantôme, Nusret apparaît régulièrement en arrière plan, errant dans l’espace, errant dans son âme. Les scènes, souvent construites au sein d’une forte luminosité, englobent les personnages dans une lueur d’espoir. Les décors naturels confèrent à l’espace une dimension aussi labyrinthique que les méandres du cerveau de Nusret. Un travail esthétique soigné, peint avec minutie  comme une toile de maître, permet une compréhension globale du récit tout en mettant en relief les humeurs des personnages. L’image, donc, frisant une certaine perfection, s’accompagne d’un travail remarquable sur la bande son. Les bruits du monde et les soupirs de vie ne sont pas uniquement de vagues « choses » à entendre : ils sont l’essence même d’une écoute attentive et bienveillante permettant aux corps de trouver leurs places. Et parfois le silence, après des minutes de retour sur soi, laisse sa place au thème principal du film. Une musique en clair-obscur qui, sous les notes du piano et de la clarinette, offre aux yeux du monde tout ce qu’il n’a pas été possible de dire. Don Juan, sous la plume de George Gordon Byron, ne disait-il pas déjà en 1819 : « Il y a de la musique dans le soupir du roseau ; – Il y a de la musique dans le bouillonnement du ruisseau ; – Il y a de la musique en toutes choses, si les hommes pouvaient l’entendre. – Leur terre n’est qu’un écho des astres. » La Boîte de Pandore : un film qui mériterait bien un poème.

Titre original : La Boîte de Pandore

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Durée : 112 mn


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