Knives and skin

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Film ovni, « Knives and Skin » est un voyage initiatique aux frontières du surréalisme.

Dans une petite ville de l »Illinois, suite à une sortie nocturne avec un garçon, Carolyn Harper, lycéenne, ne donne plus signe de vie. Sa mère et ses camarades s’inquiètent. La ville entière se mobilise et met tout en place pour retrouver la jeune fille au cours d’une quête empreinte d’éléments magiques puisque la frontière entre réel et surréalisme sera constamment traversée, notamment par l’atmosphère mystique régnante. La frontière entre réel et surréalisme est constamment traversée notamment par l’atmosphère mystique qui règne.

Présenté à la Berlinale, au festival du film de Tribecca, et en compétition au festival de Deauville, ce second long métrage (après Signature Move en 2017) de la réalisatrice et scénariste Jennifer Reeder, convie des genres tels que l’horreur, le thriller, le drame familial et même la comédie musicale à se joindre au « film d’adolescents ». En résulte alors un mélange détonnant, surprenant et d’une originalité parfois déconcertante.

Un véritable spectacle

Cette fresque fantaisiste mélange différents domaines artistiques comme la musique, la danse, le théâtre, la poésie, etc. La mise en scène fait d’ailleurs penser, par certains aspects, à un grand mouvement chorégraphié tant la musique y joue un rôle majeur. Cette sorte de playlist lycéenne des années 80 (de Cindy Lauper à New Order, en passant par The Go-Go’s, ou encore Naked Eyes), revisitée selon des sonorités plus douces et pathétiques, chantées en choeurs, deviennent de véritables charges émotionnelles qui viennent percuter le spectateur. Grâce au fort pouvoir communicatif des chansons, le récit acquiert une dimension supérieure, quelque peu irréaliste.

La direction photographique participe à l’aspect plastique et spectaculaire du film via une lumière pop et des teintes vibrantes à dominante de violet et rose qui stylisent l’esthétique d’une manière surréaliste, mettant les personnages dans une sorte d’apesanteur, un état second. Il y a un regard assez théâtral donnant à voir ce spectacle insolite et merveilleux.

Faire corps

Comme dans tout art du spectacle, il y a une attention toute particulière portée au corps, que ce soit pour dépeindre la mort, la sexualité, ou pour communiquer dans sa relation à l’autre. Le film pousse l’expressivité des corps au-delà des normes de façon déroutante jusqu’à une proximité déplacée, parfois gênante, entre les corps des personnages. Ce rapport au corps est travaillé dans les détails et chaque personnage a une corporalité qui lui est propre et le caractérise dans son individualité, une caractérisation qui s’étend jusqu’aux décors et costumes qui contribuent également à définir cet univers.

Une représentation originale de la société

Knives and Skin explore la complexité des relations humaines notamment au travers de figures féminines particulières et centrales. Que ce soit les jeunes filles du lycée ou leurs mères, la représentation que Jennifer Reeder en fait semble s’écarter volontairement des codes.

Ce sont des personnages marginaux qui évoluent dans leur individualité, souvent de manière étrange ou inattendue et il est alors assez difficile au spectateur de s’identifier aux personnages. De plus, l’image parentale est en décalage : il y a une sorte d’inversement des rôles entre les parents (ou les adultes) névrosés, tourmentés, et les enfants (surtout les jeunes filles), figures de sagesses. Le film traite de sujets sociaux tabous mais très actuels comme l’homosexualité, la sexualité chez les adolescents et les parents, le sexisme, la mort ou encore le deuil.

Knives and Skin est une sorte de voyage initiatique dans un monde parallèle où les personnes agissent de façon inattendue. On se trouve alors face à un ovni qu’on ne saurait réellement définir. C’est une fable surréaliste qui semble se dérouler hors du temps et de l’espace, et nécessite une grande ouverture d’esprit de la part du spectateur ainsi qu’un goût pour l’étrange et l’inexplicable.

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Durée : 112 mn


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