Je m’abandonne à toi

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Le dernier film de Cheyenne-Marie Carron interroge encore la foi.

Artisane passionnée du cinéma

Comme elle en a hélas l’habitude maintenant depuis 2005, et pour ce quinzième film, Cheyenne-Marie Carron travaille sans production, sans aide ni du CNC, ni d’aucune autre institution. Et comme on le répète à chaque fois, elle a un énorme mérite car son talent est incroyable. Elle le montre à nouveau dans ce film, Je m’abandonne à toi, où elle attaque frontalement et avec grand talent un des sujets qui la passionnent, ce coup-ci à la lisière du sacré et du profane. Paul, Padre à la Légion étrangère, est immergé dans les souffrances que draine la guerre. Tour à tour, il est sollicité par des familles de mourants, des soldats tourmentés. Toujours présent aux côtés des autres, Paul tente aussi de réconforter un être qui lui est cher, sa mère. Le Padre est le nom qu’on donne à l’aumônier engagé dans la Légion étrangère. Du coup, Cheyenne-Marie Carron s’est coupée en deux : une partie du film est tournée à Paris car c’est là que vit la mère du Padre et auprès de laquelle il se rendra, et une autre partie, la plus importante, se déroule dans le Midi et, plus exactement à Nîmes, où est installée une caserne de la Légion. Padre est un être déchiré mais qui conserve une foi ardente. Il est toujours présent auprès des soldats, ayant lui-même eu à se rendre dans des opérations à l’étranger et son sacerdoce le conduit à venir en aide, à protéger les soldats affaiblis, à baptiser les bébés – et ce sera le point d’acmé du film – et aussi bien sûr à faire face à sa vie personnelle, son célibat et le désespoir de sa propre mère. 

Un acteur lumineux

Pour ce rôle qui constitue la clef de voûte de ce film, elle a choisi un acteur extraordinaire, Johnny Amaro, dont le charisme et la beauté solaire traversent l’écran et irradient pour nous communiquer exactement le message de Cheyenne-Marie Carron. « J’avais déjà tourné avec Johnny pour le film La Beauté du monde, explique-t-elle dans le dossier de presse du film. Je savais que je retravaillerai avec lui. Il se dégage de cet acteur à la fois de la douceur, de la retenue, mais aussi une grande force intérieure. Il était le comédien parfait pour incarner ce prêtre. Johnny fait des arts martiaux, il portait en lui une sorte de sagesse très juste pour le rôle. »

Peintre comme Pialat

On peut dire qu’elle s’est posée aussi en brillante continuatrice de l’oeuvre de Robert Bresson et surtout de Maurice Pialat puisque, comme lui, elle est aussi peintre. Elle va d’ailleurs arrêter pour un temps le cinéma pour se consacrer à sa prochaine grande exposition qui aura lieu à Paris. Et, dans ce film, comme dans Sous le soleil de Satan, on assiste aussi à un miracle. Cette foi inébranlable ne peut qu’interroger les âmes sensibles qu’elles soient ou non croyantes. « Ayez foi en Dieu, est-il écrit dans la Bible, Marc 11, 22-25. Je vous le dis en vérité, si quelqu’un dit à cette montagne : Ôte-toi de là et jette-toi dans la mer, et s’il ne doute point en son cœur, mais croit que ce qu’il dit arrive, il le verra s’accomplir. » Et, on le sait, c’est aussi cette foi en Dieu mais aussi en cinéma qui fait que Cheyenne-Marie Carron avance comme une force de la nature dans ce milieu pourtant souvent hostile. D’ailleurs, elle le constate elle-même : « Les plus beaux films chrétiens sont souvent réalisés par des non-chrétiens. Le cinéma se situe ailleurs. » Avec une photo de Julien Guéraud, un montage de Yannis Polinacci et une épique technique et artistique au top et soudée, ce film indé va encore vous surprendre. 

Titre original : Je m'abandonne à toi

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Durée : 95 mn


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