Insaisissables

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À la David Copperfield, Louis Leterrier nous éblouit par ses tours de passe-passe, son casting prestigieux et son scénario malin et intelligent.

Réunis par un seul homme ou une seule force, quatre magiciens – un illusionniste, un mentaliste, un pickpocket et une reine de l’évasion – donnent trois spectacles grand public. Ensemble, ils accomplissent des tours exceptionnels à Las Vegas, à la Nouvelle Orléans ou encore à Paris. Avec humour et glamour, les Quatre Cavaliers tels qu’ils se nomment repoussent les barrières de la magie et ils vont réparer financièrement les arnaques des banques, des mutuelles ou des assurances. Mieux que Robin des Bois, ils deviennent Insaisissables et ils ne savent pas encore ce qui les attend…

Le titre du film traduit en français « Insaisissables » ("Now you see me" en version originale) ne révèle qu’une légère partie du film. Celle de la course presque sans fin entre le FBI, Interpol d’un côté, et les Quatre Cavaliers, autrement dit les quatre magiciens de l’autre. Mais au-delà de cet attrape-souris, le réalisateur français Louis Leterrier propose un divertissement, une magie, un émerveillement sans effets spéciaux de trop, sans trucages inutiles et avec une préparation parfaite. Après de grosses réalisations américaines, Le Transporteur et Le Transporteur 2 (2002, 2005), L’Incroyable Hulk (2008) et Le Choc des Titans (2010), Louis Leterrier continue sur sa lancée de film sensation, Insaisissables ayant coûté plus de 75 millions de dollars et déjà rapporté 106 millions de recettes aux États-Unis. Comme pour Danny the Dog (2005), le réalisateur joue la carte du thriller poignant et palpitant pour ce nouveau long métrage.

Les bases de l’histoire sont posées dès la première scène du film où, vêtu d’un sweat shirt à capuche grise, un inconnu sélectionne ses recrues en fonction de leur « magie ». Que ce soit Daniel Atlas – l’excellent Jesse Eisenberg – en star illusionniste, Merritt McKinney – Woody Harrelson – en mentaliste fourbe et légèrement pervers, Henley – la jolie rousse Isla Fisher – épatante dans un bassin où elle simule l’enfermement, à deux doigts de se faire croquer par des piranhas, ou le jeune craquant Jack Wilder – Dave Franco – le sourire trompeur, la main bien placée pour piquer portefeuilles ou montres aux touristes. Amenés à former un groupe, chacun avec sa carte de prédilection, les quatre magiciens sont présentés comme les meilleurs de la planète. Leur premier domaine d’action, évidemment, c’est Las Vegas.


Isla Fisher alias Henley © Concorde Filmverleih GmbH

 

Et ce premier show à l’américaine commence par un braquage, celui d’une banque française. Dans le rôle du pigeon, celui qui va réaliser ce vol et qui vient dans un premier temps assister au spectacle des Quatre Cavaliers, c’est José Garcia. Drôle et caricatural, il joue le jeu du vol et pénètre dans sa banque sans scrupules, devant un public déchaîné et impressionné. Du point de vue du spectateur, la magie opère aussi, aucun geste n’est laissé au hasard et c’est avec ce public gigantesque que l’on observe, décrypte, tente de savoir quels sont les trucs, les astuces de leurs tours magiques.

La force du film, en plus de son excellent casting, c’est la perfection des tours de magie. Rien ne semble faux, l’illusion dépasse l’écran, Louis Leterrier réalise chaque scène avec encore plus d’effets impressionnants, avec une accélération de l’histoire, des effets visuels en fonction de la progression du film. Chaque personnage a une place définie dès le début et fait avancer les doutes, les incompréhensions, les demandes d’explications. Pour contrer ces tours de magie hors du commun, un homme dénoue les trucs et il en a fait sa fortune. Thaddeus Bradley, le regard sombre et infaillible, joué par l’oscarisé et largement recompensé Morgan Freeman. Grâce à lui, l’intrigue avance avec, à chaque étape, l’explication des tours. Chaque spectacle des Quatre Cavaliers est expliqué de manière parfois très surprenante, tout s’explique. Jusqu’au final… Et les doutes qui persistent.

Bien plus que Le Prestige (Christopher Nolan, 2006) ou encore L’Illusionniste (Neil Burger, 2006), Insaisissables est un divertissement éblouissant. Plus original, le film est une adaptation de l’histoire écrite par Boaz Yakin et Edwart Ricourt. Louis Leterrier a créé un film puissant, logique, qui sème à la fois le doute, l’angoisse, le rire et l’illusion. Cette histoire telle qu’elle est mise en scène pourrait se dérouler demain. Les tours de passe-passe, maîtrisés à la perfection par les acteurs, révèlent une minutie dans la préparation du tournage. Coachée par le vrai magicien David Kwong, l’équipe bat bien ses cartes. Elles troublent de tous les côtés, le public en premier, le FBI et Interpol par la suite – personnifiés par Mark Ruffalo et Mélanie Laurent, un duo convaincant et séduisant. Et au-delà des shows façon « Qui veut gagner des millions ? » à Las Vegas, le film enchaîne courses-poursuites de voitures, New York et ses bas-fonds, Paris et ses petites ruelles, des nouvelles technologies crédibles et spectaculaires. On en prend plein les yeux.

 
 


Louis Leterrier © Concorde Filmverleih GmbH  

 

L’esprit d’Insaisissables est résumé par les propos de Mark Ruffalo lors du tournage : « Les talents de David Kwong nous ont tous transformés en gamins de six ans. À chaque fois qu’il était présent sur le tournage, nous devenions dingues ! Les gens ont envie de croire dans ce genre de mystères. Cela rend notre monde un peu plus intéressant ». À la fois retour à l’enfance, émerveillement, action et émotion, Insaisissables est un très bon thriller et divertissement. Et le film continue de marquer après sa vision en salle, des fans américains ayant déjà observé des manquements dans les explications des tours… Bientôt un Insaisissables 2 ?

Titre original : Now You See Me

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Durée : 116 mn


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