Historia del miedo (Histoire de la peur)

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Un film qui veut porter une réflexion sur une réalité sociale mais qui ne nous laisse qu´une interrogation : pourquoi ?

Il existe des films qui nous rappellent qu’aller au cinéma peut aussi être une expérience, parfois même une épreuve. Des films qui testent le spectateur en lui refusant le confort qu’apportent une narration classique, des enjeux clairs et un fil rouge identifiable. Historia del Miedo s’inscrit clairement dans cette catégorie d’œuvres, souvent vite qualifiées d’expérimentales, que l’on s’attendrait plus à croiser dans un centre d’art contemporain et qui y aurait sans doute plus sa place (ce n’est pas un hasard si le cinéaste sort du Fresnoy).

Impossible à résumer, nous pouvons seulement dire qu’Historia del Miedo parle des failles qui travaillent insidieusement la société argentine. A la surface, ces secousses souterraines se manifestent par touches légères mais oppressantes à force d’être aussi soudaines qu’inexpliquées. Coupures de courant, chiens errants, un homme nu sur une autoroute, phénomènes tangibles d’une violence invisible qui régit les rapports humains dans cette Buenos Aires où se côtoient résidences hyper sécurisées pour riches et bidonvilles, restant pourtant l’une pour l’autre des entités absurdes, lointaines et menaçantes. Pour son premier long métrage, Naishtat mise tout sur le design sonore, le hors-champ et la suggestion, plus aptes selon lui à signifier cette peur omniprésente, sans véritable objet. Dans ses meilleurs moments comme dans ses moins convaincants, le film rappelle Post Tenebras Lux (Carlos Reygadas, 2012), même façon d’éparpiller une histoire façon puzzle, même prédominance de l’atmosphère sur le scénario et même façon de traiter d’une réalité sociale par le biais du fantastique.

 

Tout cela donne une bien belle note d’intention digne d’un devoir sur table universitaire, mais qu’en est-il quand l’heure est venue pour cette théorie d’être confrontée à la pratique ? Elle reste théorique, malheureusement, purement cérébrale au lieu d’être viscérale comme le laissaient suggérer à la fois le titre et le synopsis. En cela, le film se prête parfaitement à l’analyse, à la dissection, et l’on pourrait disserter sans fin sur ce que veulent nous raconter tous ces signifiés / signifiants / référents. Il nous serait même possible de nous extasier longuement sur l’audace de cet écran noir de quelques minutes, en oubliant que Guy Debord était déjà passé par là il y a quarante ans avec sa Société du Spectacle (1973). De même, jouer avec le hors-champ est une idée intéressante, le film d’horreur nous l’avait déjà démontré, merci Ridley, merci Tobe. Ne pas savoir où se trouve le danger, à quoi il peut ressembler ni même s’il existe réellement ou s’il n’est qu’une création de notre imagination, ce dispositif a le mérite de créer un suspense qui fait du spectateur un acteur à part entière du film. Et c’est peu de dire que le spectateur est mis à contribution pendant la projection puisque ce qu’il pense, ce qu’il déduit, ce qu’il imagine est le seul ciment qui puisse lier les séquences entre elles. Il est toujours flatteur de se sentir considéré par un réalisateur mais de là à porter tout le sens du film sur ses épaules, il y a un fossé par-dessus lequel Historia del Miedo ne jette que rarement une corde. A trop suggérer, on se perd en diverses considérations puis on se perd tout court jusqu’à parfois penser à tout autre chose. Un film trop ouvert c’est aussi le risque que le spectateur s’échappe et trop de hors-champ peut amener à penser que tout l’intérêt du film est et restera finalement invisible.

Malgré tous ces plans séquences dont on attend qu’il surgisse une émotion, un hasard révélateur, Historia del Miedo est un constat somme toute banal de la lutte des classes en Argentine où les pauvres ne parlent pas beaucoup et passent inaperçus alors que les riches sont plutôt bavards et vite portés à se croire philanthropes.

Titre original : Historia del miedo

Réalisateur :

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Durée : 120 mn


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