Ce flashback bucolique soutenu par les grands yeux noirs du petit Rogue, et malheureusement pourri par les nombreux ralentis lacrymaux, s’avère être le plus beau passage d’un opus fidèle au pompiérisme hideux développé par Mike Newell depuis Harry Potter et la Coupe de Feu. Notre catastrophisme était justifié. On s’attendait à une débauche de « badaboum », là où les effusions de « snif » viennent contrebalancer sans nuance la tendance Luna Park de cette ultime livraison. Le début raccroche très laborieusement les wagons entre les deux derniers épisodes, avec force de bavardages peut-être mystificateurs, mais surtout soporifiques. Perdus dans les méandres d’une intrigue pourtant simple, on reste cois, à constater qu’effectivement, les fringues des vilains ne vont pas si bien que ça aux gentils. Sortie de son sportswear écolo, Hermione est plutôt ridicule en corset et bottines noires, même si Ron s’en sort plutôt bien avec le look new wave et la permanente…
A vrai dire, Ron s’en sort toujours plutôt bien. Comme d’habitude, sa puissance comique relève souvent les scènes les plus lourdes. Sur le thème « si on devait mourir demain », les violons insipides achèvent de nous assommer alors que la trame narrative archi-linéaire et répétitive renoue avec le pire morceau de la saga : le Harry Potter et la chambre des secrets de Chris Columbus, avec son interminable course poursuite à l’anaconda. L’esthétique de jeu vidéo – action/réaction – avale toutes les belles intuitions romantiques du premier volet d’Harry Potter et les reliques de la mort, certains effets demeurant même inexplicablement étrangers à leurs causes… Faute d’articulation, on ne comprendra jamais comment Harry Potter survit à l’affrontement avec Voldemort, alors qu’il a laissé choir la pierre philosophale juste avant. Peu importe. La chasse aux Horcruxes bat son plein. Niveau un : déterrer la coupe. Niveau deux : détecter le diadème. Niveau trois : tuer le serpent. « You win !! ». Ce sentiment désagréable est appuyé par une 3D super cheap, plus que dispensable.
« Très impressionnant, non ? »
Mygales velues, bourrins « hardos » en pantalons écossais, trolls… toujours aussi ulcéré, notre Voldemort au nez flouté (pour conserver l’anonymat ?) a réuni une armée du tonnerre de Dieu pour assiéger Poudlard : plans séquences tournoyant, vent dans les cheveux, et ça y est, on croirait presque du Peter Jackson. Le résultat vieillira probablement aussi mal que les ralentis outranciers du final du Retour du roi. A mesure qu’Harry franchit les étapes devant le mener à la victoire tant attendue, notre intérêt blasé se déplace avec curiosité vers certains personnages secondaires, à commencer par le frère de Dumbeldore, qui reproche à l’ancien directeur pourtant si brave de Poudlard d’avoir sacrifié leur sœur dans sa quête du pouvoir. On reste perplexe. Plus tard, liens du sang obligent avec « tu-sais-qui », Harry découvre son impitoyable sentence à mort prononcée par Dumbeldore devant un Rogue consterné. Oups !
Cette piste, certes ténue, mais confirmée par la destruction de la baguette de Sureau par un Harry Potter refroidi à vie par la célébrité (il ne la garde même pas pour s’en faire une tisane), rafraîchie à elle seule notre torpeur abrutie et nos oreilles engourdies par tant d’effets THX Dolby surround. On rêve alors naïvement d’une adaptation qui aurait exploité à fond cet axe de lecture, transcendant ainsi le divertissement manichéen pour adolescents plus ou moins attardés. Alfonso Cuarón avait bien ouvert la brèche dans le Prisonnier d’Azkaban… Ironie du sort, la forme même de ce blockbuster mastodonte vient carrément court-circuiter la sagesse qu’on arrivait à discerner entre deux tranches de solennité dégoulinante et belliqueuse : la cerise indispensable à toutes ces tartes à la crème aliénantes qui veulent passer en force pour mieux barbouiller de moralité réductrice le cœur de ses spectateurs. Cette bonne vieille solennité édifiante, instrumentalisée et chérie par un régiment de producteurs avides de pouvoir, comme gage de ralliement à la cause de leurs portefeuilles. Assurément, cette quête là ne vaut pas qu’on se démène pour elle. Tout ça pour ça ! Poudlard va être dur à nettoyer…
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