Goutte d’Or

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Entre arnaques et magie, le quartier devient bijou…

Le nom d’un quartier de Paris

Pour son troisième long-métrage, le plasticien, vidéaste et réalisateur Clément Cogitore frappe fort avec ce film qui risque de ne laisser personne indifférent, qu’on l’apprécie ou non. Ayant vécu longtemps dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris, réputé pour sa mixité sociale et une certaine ambiance à la fois bon enfant et dangereuse, il décide non de lui rendre hommage mais d’en tirer une histoire in situ dans laquelle vont entrer en scène les marabouts et autres charlatans qui y pullulent. Le film raconte d’une manière hyper-réaliste la vie de Ramsès, trente-cinq ans, qui tient un cabinet de voyance dans ce quartier parisien. Habile manipulateur et un peu poète sur les bords, il a mis sur pied un solide commerce de la consolation. Pendant la première partie du film, le spectateur se laisse transporter par un mouvement continuel de personnages, dans une sorte de ballet auquel il ne comprend goutte mais on sent que l’atmosphère est tendue et que Ramsès, le seul à n’avoir mis aucune barrière religieuse à ses voyances afin de ne négliger aucune clientèle, ne s’est pas fait que des amis parmi tous les autres voyants justement à cause de ses méthodes. 

Les mystères de Paris

Caméra épaule pour donner l’impression de vitesse et de vibration, dans une image à la fois froide et habitée du directeur de la photographie, Sylvain Verdet, le film donne le tournis et la fièvre car les dialogues souvent inaudibles ou inachevés contribuent à rendre l’atmosphère encore plus étrange. Ce qui semble normal pour un film qui traite de phénomènes paranormaux ou présentés comme tels à une clientèle naïve en mal de certitudes. Ce début de film pose la question à laquelle il ne répond pourtant pas : pourquoi ce besoin de parler, ce besoin de mystères qui font toute l’âme humaine dans toutes les sociétés ? Le réalisateur lui-même évoque cet aspect dans l’entretien accordé au dossier de presse du film : « Les marabouts sont une réalité du quartier qui m’intéresse énormément : qu’est-ce que le récit consolateur de ces médiums, avec ses règles, et ses escroqueries, mais qui en même temps prend en charge une douleur réelle ? Raconter ce milieu était aussi, pour moi, une manière d’interroger ce qui est à l’œuvre dans mon travail, qui lui aussi procède du récit, et interroge cette nécessité de se raconter autant d’histoires. » 

Karim Leklou superstar

Pour ce faire, bien sûr, Clément Cogitore s’est abondamment documenté. Il a su aussi faire de la direction d’acteurs grâce à l’aide de la directrice de casting, Tatiana Nuytten Vialle, qui a su l’assister complètement pour soutenir et aider tous les acteurs non professionnels du film, notamment les enfants mineurs de Tanger qui terrorisent réellement le quartier et recrutés par affichage de la production. Ils apparaissent dans la deuxième partie du film et représentent le point d’acmé de cette histoire puisque Ramsès arrive peu à peu à les canaliser et, disons le mot, à les aimer parce que, justement, il a pour la première fois à leur contact sa première vision. Tout le film repose d’ailleurs en grande partie sur le talent de l’acteur qui interprète Ramsès, Karim Leklou, dont Clément Cogitoire dit le plus grand bien en éclairant au passage son choix et précisant le personnage qu’il interprète : « Karim a une manière rare et précieuse d’accéder aux détails de la voix, du geste, du regard… Sa palette de jeu est très large. Il peut être autant violent et gueulard que charmeur et doux l’instant d’après. Les modulations de sa voix et les airs que peut prendre son visage sont d’une très grande variété et intensité. Il peut aussi bien évoquer une petite frappe de Barbès qu’un bon fils de famille ou un Christ de Roublev avec son collier de barbe. Il amène une complexité à Ramsès, une empathie très forte et une circulation singulière de l’émotion. » Ce n’est pas pour rien en effet que les enfants vont subir l’envoûtement bénéfique de ce personnage démiurge et chaman, en lui offrant une chaîne et un pendentif ovale en or en le nommant Goutte d’Or. 

Titre original : Goutte d'Or

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Durée : 98 mn


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