« Pauvre Jennifer Aniston, c’est tragique. Et puis, je n’aime pas Angelina Jolie. »
Bobcat Goldthwait, proclamé héraut de l’indé américain depuis Shakes the Clown en 1991, excelle dans la description, la présentation de faits. Il met en scène dans sa première partie un séduisant jeu d’écho entre la télé et la vie de Frank. Les personnages de la télé-réalité répondent à ses voisins, le petit écran déteint sur le quotidien. L’effet est aussi effrayant (les flippantes discussions de bureau) que drôle. De fait, God Bless America a tout d’un film d’horreur très réaliste, renforcé par l’absolue normalité des deux héros qui, s’ils sont solitaires, ne sont en rien exclus ou en marge de la société.
Ce qui gêne chez Goldthwait, c’est qu’à aucun moment il ne semble vouloir dépasser le simple plaisir de la mise en scène du fantasme inavouable. La dénonciation est louable, et même plutôt réussie. Mais le film ne va pas vraiment au-delà de l’aspect ludique et pop de sa quête vengeresse. Musique illustrative et mignonne, inutilité et facilité d’une séquence animée comme raccourci scénaristique, plaisir gratuit de la citation (une séquence à la Godard, une petite tarantinade)… Ça fait plaisir et ça ne mange pas de pain. Malgré la logique poussée à l’extrême du finale – malheureusement en partie décrédibilisé par une facilité scénaristique des plus criantes – le film se refuse à tout réel engagement. Il n’a ni le recul sur l’action pour être réellement cathartique et évite la voie de la caricature qui lui aurait ouvert une portée symbolique. Ni la tragédie, ni la comédie absurde ne sont possibles puisque l’ensemble se doit de rester réaliste, à portée de main pourrait-on dire. Toucher du doigt ce dont vous avez envie, s’approcher de la flamme juste assez pour se réchauffer légèrement. Surtout pas plus.
Pour sûr God Bless America est plaisant, mais surtout pas dérangeant. Il brosse tellement dans le sens du poil que pas un ne se hérisse. Parce que l’ensemble est finalement bien flatteur pour le spectateur. Après quelques mauvaises pensées, celui-ci peut retourner tranquillement à ses moutons, sans investissement, sans réflexion. Être conventionnel sur un tel sujet, il fallait le faire !