Ca ne marche donc pas toujours, mais ça tient suffisamment la route pour qu’on y accorde un minimum d’attention. Bienvenue, donc, chez les Laestadiens conservateurs de Finlande qui, nous dit-on, mènent leur vie suivant une interprétation littérale de la Bible : pas de télé (?!), pas de cinéma (?!), pas de maquillage ni de parures inutiles, pas d’alcool, pas de sexe avant le mariage et tutti quanti. Une jeune fille, Maria, fugue à la ville pour y faire l’expérience des « choses de la vie ». Son amie Raakel est envoyée la rejoindre pour la convaincre de retourner au sein de la communauté. Le point fort du film est la délicatesse dont il accompagne l’éveil de ses personnages et l’installation chez eux du doute quant à un éventuel retour. Si sa progression est plus que prévisible (de transgression en transgression, de culpabilisation en révolte), il réussit à trouver le ton juste – ni trop naïf, ni trop « je-sais-tout » – pour accompagner le mouvement vers l’altérité accompli par ses deux héroïnes. Installé à leur hauteur, il parvient à se ménager quelques beaux moments : un marivaudage enfantin autour d’une salle de cinéma art et essai (« Tu veux venir voir des courts-métrages japonais ? »), un jeu de mains tout en suspens au clair de lune… Ces quelques scènes où il s’abandonne à un plaisir de la comédie sentimentale sont de vraies réussites. Mais ces moments sont bien trop rares.
C’est beaucoup moins bien quand le cinéaste entreprend de confronter ses personnages à une altérité malade. Il échoue alors systématiquement à faire autre chose que brasser du cliché. On a déjà évoqué une scène de boîte de nuit hors sujet qu’il eut été facile de faire sauter au montage. Celles dans lesquelles intervient la sœur de Maria sont également catastrophiques, et l’association de principe entre sa marginalité et son homosexualité plus que douteuse. Le personnage apparaît en tout cas comme une névrosée pas spécialement libérée du fait de s’être elle aussi enfuie de la communauté. De manière générale, Fruit défendu traîne beaucoup, s’étire inutilement, donne le sentiment de souvent tourner en rond. Celui d’un manque de réel également, et c’est une chose bien curieuse dans un film qui prétend pourtant accompagner un éveil : la question de la survie matérielle des deux filles qui n’ont jamais vécu en-dehors de leur communauté est ainsi expédiée avec une désinvolture presque comique. Dotées du jour au lendemain d’un emploi et d’un appartement sans doute tombés du ciel, elles passent leur été à jouer au chat et à la souris avec leurs petites tentations. Des facilités qui sont vraiment de trop.