Fragments sur la grâce – Vincent Dieutre

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Ce documentaire est un peu un ovni, un mystère, il faut bien l´avouer. Non pas vraiment par le sujet abordé – bien que celui-ci se trouve aussi auréolé de mystère – mais par l´approche qui en est faite. Documentaire << multi-genre >>, « Fragments sur la grâce » déroute…

Il est certain que l’intérêt suscité par ce documentaire ne peut être que proportionnel à l’intérêt pour le sujet traité – le jansénisme, Port-Royal, mais, au-delà, l’aspect formel est également très intéressant à observer. En effet, différentes séquences s’alternent : lectures de textes, interviews, images de campagne, de Paris… Quand le réalisateur part à la découverte de lieux, il filme seul, le son est mauvais. Si, dans un premier temps, cela dérange – peut même être pris pour un manque de qualité, en réalité, ce son, cette voix collent parfaitement avec le reste du film ; cette façon de filmer trouve une certaine cohérence. En effet, c’est un peu comme si le réalisateur murmurait directement à l’oreille du spectateur, comme si l’on partait à la campagne aux côtés de Vincent Dieutre. Des images et un son trop « lisses » n’insuffleraient pas ce côté confidentiel, à la limite du mysticisme.

De la même façon, les scènes de lectures de textes sont pour le moins inhabituelles. Dans une salle épurée, autour d’une grande table rectangulaire, se trouvent réunis six comédiens, lisant des textes en ancien français. Pour tout ce qui est du début du documentaire, ces lectures se font de manière assez plate ; le calme, une certaine sérénité règnent. Cependant, arrive un moment où tout s’accélère et où ces séquences prennent une toute autre dimension. Les comédiens s’emportent alors davantage, se lèvent, ne sont plus statiques, assis devant leur chevalet à suivre en silence les lectures des autres. Le rythme s’accélère, les textes se font plus forts, leur lecture plus intense, davantage chargée d’émotion. Cette réunion devient alors comme une sorte de messe sombre, la mise en scène des textes correspond tout à fait à l’esprit du sujet.

Cet usage de la comédie est très intéressant, l’enchevêtrement de ces passages avec le reste du documentaire, cette façon de redonner vie aux textes à travers les voix de différents comédiens, partant peu à peu dans la folie, donne le vertige.

     
Le changement dans les lectures s’accompagne d’un autre changement : les images elles aussi évoluent, de même que la musique. Une accélération générale, intensité qui va crescendo, entraine le spectateur dans un sombre tourbillon. Sur le fond, ce documentaire permet de partir sur les traces de Port-Royal et du jansénisme, (d’essayer) de voir comment et pourquoi il a fasciné, passionné. S’interroger sur son impact. On réalise, tout en s’interrogeant, qu’autour d’un monastère pour femmes, toute une partie de la vie parisienne s’est trouvée réunie. Ce sont de grands noms qui émergent : Pascal, Racine… Des personnalités « amies de la vérité », caractérisées – notamment – par leur façon raisonnée de réfléchir, et qui se sont pourtant laissées totalement entrainer. Aucune solution n’est donnée, et le mystère reste entier. Fragments sur la grâce s’inscrit tout à fait dans ce cadre mystérieux, il est dans ce sens en parfaite continuité avec le sujet qu’il aborde.

 

  

Vincent Dieutre, à travers ce documentaire hybride, témoigne de sa fascination pour la question – sans réponse – de « la grâce ». Les différentes séquences contrastent les unes avec les autres, pour offrir un documentaire à l’atmosphère sinon dérangeante, du moins déroutante.

 

Editeur : Editions Montparnasse

Titre original : Fragments sur la grâce

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Durée : 101 mn


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