Fortunata

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Bringuebalant, « Fortunata » développe une inégale zizanie.

Dans une Italie du Sud contemporaine, Fortunata (Jasmine Trinca), chevelure peroxydée et vêtements fluos, déploie toute son énergie pour prendre son destin en mains, cesser ses allers retours fatiguants de coiffeuse à domicile loin de sa petite fille, Barbara (Nicole Centanni), pour lancer son propre salon. Accompagné d’un ami attachant mais instable, Chicano (Alessandro Borghi) et de la mère de celui-ci, atteinte d’Alzheimer (Hannah Schygulla), elle tente aussi d’échapper à son ex-mari violent Franco (Edoardo Pesce). Un jour elle rencontre Patrizio (Stefano Accorsi), le psychologue de sa fille.

 


Mosaïque de personnages et exubérance

Sergio Castellitto met en scène une galerie de personnages excentriques (la grande actrice allemande Hannah Schygulla en tragédienne victime d’une perte de mémoire indélébile comme égarée en Italie), à la tête de laquelle Jasmine Trinca fait figure de cheffe d’orchestre exubérante et coriace. Son personnage, continuellement en marche, donne son élan au film, raccordant d’un seul trait tous les autres protagonistes de l’œuvre, circulant autour d’eux, comme les couleurs chatoyantes de l’image, toujours à la limite d’une forme de zizanie, dans des montagnes russes d’humeur. Avec ses registres tour à tour dramatiques et comiques, Fortunata a des allures de comédie italienne, voire de vaudeville dans certaines scènes. Très verbeux, le long métrage tire son canevas dramatique des dialogues entre ses personnages, de leurs outrances (le jeu excessif de Stefano Accorsi ou la fièvre folle de Chicano). Cette mosaïque colorée qui tisse peu à peu la toile d’une communauté de débrouille touche par la caractérisation franche de ses personnages, leur fragilité comme leur force, mais perd de son attrait dans ses égarements narratifs.

 





Bazar narratif



Peu à peu, la ligne conductrice narrative du début qui permettait de développer la mise en scène, se morcelle au profit d’ellipses de romances (l’échappée assez vide à Rome entre Fortunata et Patrizio) et d’une psychologie qui alourdit le film, dévoilant des noeuds du récit et des secrets bancals qui surgissent brutalement et dont on peine à saisir le sens, des virages scénaristiques maladroits alimentant un bazar général perceptible à l’écran. Sans pour autant lâcher son héroïne, qui donne son prénom chanceux et solaire au titre du film, qu’il filme avec beauté jusqu’au bout, le cinéaste nous entraîne dans un tour de manège qui se disperse trop pour le rendre tout à fait appréciable, malgré ses beaux personnages.

Titre original : Fortunata

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Durée : 103 mn


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