Fievel et le nouveau monde

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Les (més)aventures des immigrants américains à hauteur d’un souriceau candide.

En 1982, Brisby et le secret de Nimh sort sur les écrans. Réalisé par un certain Don Bluth, ancien des studios Disney, le film rencontre un succès critique certain mais ne rencontre pas son public si bien que la toute jeune Don Bluth Productions risque la faillite. Mais, coup de théâtre, dans le public qu’a rencontré Brisby se trouve Steven Spielberg : charmé par le film, il propose à Don Bluth de participer à son prochain film ; ce sera Fievel et le Nouveau Monde, produit par Amblin Entertainment, la société de Steven Spielberg, Kathleen Kennedy et Frank Marshall. Le script portera en partie leur marque : cette histoire d’une famille de souris russes exilées en Amérique rappelle celle du grand-père de Steven Spielberg, Philip Posner, surnommé Fievel. Si les États-Unis ne se révéleront pas être tout à fait la Terre promise par les rumeurs, la cruauté de la condition d’immigré sera un peu adoucie par Don Bluth…Amblin oblige.

 

 

« L’Amérique, oy, quel paradis »

Une lumière brille à la fenêtre d’une petite maison recouverte par la neige tandis qu’un chœur harmonieux se fait entendre ; le début du film a tout d’un conte de Noël et pour cause, Fievel et sa famille fêtent Hanoukka. Shostka, Russie, 1885, la famille Mousekewitz ressemble à celle de Tevye le laitier et Papa Mousekewitz sait d’ailleurs manier le violon comme personne pour chanter l’Amérique, ce pays sans chats où l’on trouve des miettes de pain partout – ce pays où « les rues sont pavées de fromages », écho du rêve d’un continent aux rues pavées d’or partagé par des générations d’immigrants. Il suffit de parler du chat pour en voir la queue, et voilà que le bleu du ciel hivernal prend les teintes écarlates de l’incendie quand le shtetl subit une attaque de félins aux dents acérés en blouses de casaques. En langage adulte, on appelle ça un pogrom. Alors, pour ne pas se retrouver dans un prequel de Maus, la famille prend un bateau, direction l’Amérique où se croisent souris italiennes, irlandaises, russes rêvant toutes d’échapper aux chats. L’Amérique où tous les rongeurs seraient libres de vivre dans l’opulence, dans l’unité, sans le péril permanent que représentent les félins de tous poils.

Si les adultes rêvent, le petit Fievel est tout à son étonnement, à sa curiosité et à son intrépidité juvénile : lui n’hésite pas à aller affronter les chats pendant l’attaque, et même quand la tempête se déchaîne, il sort sur le pont du bateau pour voir les poissons. Emporté par le raz-de-marée, Fievel, séparé de sa famille qui le croit mort, débarque seul à New-York.

 

 

« Jamais dire jamais »

L’arrivée dans ce nouveau pays sera une véritable montagne russe pour le souriceau, du sommet de la statue de la liberté aux égouts de la métropole avant de reprendre son envol. Débarqué à Staten Island dans une bouteille en verre, Fievel a une vision nauséeuse, verdâtre et floue des Etats-Unis bien loin de ce que son père lui chantait en Russie. Après avoir reçu une leçon accélérée de positivisme par Henri le pigeon français qui lui fait voir le « pays de l’espoir », Fievel sera précipité dans la réalité d’un pays qui ne l’attend pas. Si vu d’en haut tout est beau, à hauteur de petite souris immigrée, c’est une autre histoire. Fievel va connaître la même désillusion que Pinocchio sur l’île aux plaisirs ; venu vivre une vie meilleure dans un autre pays, il y fera l’expérience du trafic d’enfants, des orphelins laissés à la rue et des hommes politiques alcooliques rompus aux trafics dignes des Âmes Mortes de Gogol. Pour adoucir un peu cette vision désenchantée du rêve américain, ces scènes à la Oliver Twist sont contrebalancées par des scènes de fraternité entre rongeurs. A l’inverse de leurs cousines disneyennes qui travaillent en équipe pour confectionner une robe pour qu’une souillon aille au bal, les souris de Don Bluth, quand elles s’assemblent, décident de former une coalition sous la houlette de la riche Gussie Sourisfeller pour se libérer de leurs oppresseurs en les expédiant à Hong-Kong.

Le film se permet une – très légère – remise en question de l’assimilation imposée aux nouveaux arrivants. Si la petite Tanya est rebaptisée Tilly par le centre d’immigration de Staten Island, et Fievel Phil, c’est grâce à son prénom de naissance, et au son du violon de son père, que le souriceau sort de l’anonymat de la jungle urbaine et retrouve les siens.

Moins violent que Brisby, et moins triste que Charlie qui sortira trois ans plus tard, Fievel et le nouveau monde est un juste compromis entre l’univers de Don Bluth et celui de Steven Spielberg. Sorti le 21 novembre 1986, le film obtient un grand succès, qui plus est pour un dessin animé qui n’appartient pas à l’écurie Disney, qui lui permettra de connaître trois suites.


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