« Fellinicittà » de Jean-Max Méjean

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Sortie évènement, ce mercredi, de « Fellinicittà », important recueil de textes parcourant d’un oeil inédit l’oeuvre du maître italien et dirigé par notre collaborateur et ami Jean-Max Méjean. Un travail à la démesure de son sujet !

L’œuvre des plus grands génies est souvent caricaturée, objet de poncifs bien commodes lorsque l’on en parle. Ce fut le cas pour celle de Federico Fellini, cinéaste souvent jugé complexe, caricaturiste et trivial. Dans ce magnifique ouvrage, Fellinicittà, Jean-Max Méjean a rassemblé soixante textes en une sorte d’anthologie éclairant d’un jour nouveau les films du Maestro ainsi que sa personnalité. Méjean écrit : « Le but de cet ouvrage est de réhabiliter la force philosophique, voire démiurgique, du génial cinéaste mort trop tôt. »

Ces textes ponctués par des photos superbes sont autant d’éclairages différents et originaux sur Fellini et son cinéma. Dans « Trois fontaines », Jean Ungaro parle de la symbolique de la fontaine, celle de Trevi dans la Dolce Vita : «  L’eau régénère les corps et lave les esprits ; » Il poursuit : « le cinéma de Fellini est un cinéma où les corps ne peuvent jamais se rejoindre. » Quant à Emmanuel Plasseraud, il évoque Cinecittà, les mythiques studios romains où Fellini a réalisé son œuvre et à la gloire desquels – ainsi que du Cinéma tout entier – il réalisa le splendide Intervista. Ces derniers finissant même par se confondre : Cineccitta c’est Fellini et Fellini  c’est Cineccita.

On ne peut parler du cinéma de Fellini sans se pencher sur le sort que celui-ci fait à la Femme, aux femmes. Albert Montagne s’attaque au sujet dans son article « Femme-objet et objet-femme ». Il écrit : « qu’elle soit putain ou monstresse, belle ou moche, désirable ou rebutante, [la Femme]est toujours l’objet de fantasmes masculins. Federico Fellini, cinéaste onirique et magicien de l’image, ne pouvait que les désirer follement et les coucher à jamais sur les toiles blanches des salles obscures. » La Femme chez Fellini est « fellinienne » – c’est bien le moins –, gironde, a une poitrine généreuse, telle la buraliste d’Amarcord. Ce n’est pas uniquement un cliché : la Femme magnifiée s’incarne à travers toutes ces femmes, de toutes conditions, de tous âges, en revêtant cette enveloppe voluptueuse, promesse sublime.

Raphaëlle Pache revisite le cinéma du Maître à travers la cigarette. Tantôt attribut des oisifs, car si la fumée peut rentrer à l’intérieur c’est qu’il y a de la place, tantôt outil pour moquer la réflexion comme réflexe : dans Amarcord, le professeur qui interroge Titta. La cigarette est également très présente chez Fellini comme une monnaie d’échange en forme d’humiliation : Titta, toujours dans Amarcord, lorsqu’elle « suggère la disproportion existant entre les attributs virils du jeune garçon » et l’énorme poitrine de la buraliste. 

Un des derniers combats de Federico Fellini fut livré contre la Télévision, qui à l’aune des années quatre-vingt avait déjà pris une importance considérable. Une seule image résume sa révolte : la scène finale d’Intervista, lorsque des Indiens à cheval attaquent le plateau de tournage, brandissant des antennes de télévision. L’image est saisissante, joyeuse, enthousiaste comme son inventeur, mais elle demeure terrible. Sur les interruptions publicitaires à la télévision, le Maître enrageait. Parlant du spectateur : « On l’habitue à un langage balbutiant, hoquetant […] qui finiront par faire de lui un crétin impatient, incapable de réflexion, de continuité mentale.»

Parmi tous ces témoignages, apparaît au cœur de ce très beau livre la reproduction d’une lettre manuscrite adressée au Maestro par Maurice Béjart. Le chorégraphe écrit : « J’ai suivi tous vos films… Découvrant un monde au premier abord énigmatique mais aussi familier et permettant de trouver en nous-même la réponse à toutes les interrogations, de dénouer les tensions ou les crises. Un univers de la joie. »

                                                                                                         

« Fellinicittà », Fondation Fellini pour le Cinéma – Editions de la Transparence
Textes, dessins et photographies réunis par Jean-Max Méjean
Accompagné de TEATRO NUMERO CINQUE, un film de Dominique Delouche


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