Fausta (La Teta asustada)

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Un ours d´or sobre et subtil.

Le premier plan est magnifique. Le visage d’une femme âgée remplace peu à peu les ténèbres d’un écran noir. Ce sont des traits usés par la tristesse et la douleur que l’on découvre sans surprise, car la voix de cette femme, chantant avec émotion et franchise un air nous racontant son viol et le meurtre de son mari, nous parvenait de la noirceur de l’écran bien avant sa figure. De son drame, il ne sera par contre plus question, ce chant étant aussi son chant funèbre. Le film se concentre alors sur Fausta, la fille de cette victime, elle-même traumatisée par l’histoire de sa mère. Sans y avoir assisté, elle souffre d’un mal que met en avant le titre original : « La Teta asustada », le « lait de la douleur ». Encore dans le ventre de sa mère lors des événements, l’expérience traumatique lui a été transmise par le lait maternel. Les épaules rentrées, le regard craintif, l’adolescente vit dans la peur et n’arrive pas à affronter le monde qui l’entoure.

La première qualité de Fausta, second long métrage de Claudia Llasa après le remarqué Madeinusa, qui représentait le Pérou aux Oscars 2007, est de traiter de ce sujet délicat avec sobriété (pas de pathos ni de sentimentalisme appuyé ici), et subtilité (la réalisatrice ne nous épargne rien des craintes de la jeune Fausta, qui, afin de se protéger du viol, s’est introduit une pomme de terre dans le vagin, pensant ainsi dégouter ses agresseurs, mais le fait avec distance et sans voyeurisme ou dramatisation excessive). La mise en scène épouse avec délicatesse ce parcours, laissant exister son personnage dans d’amples plans fixes. Car si le scénario se concentre sur Fausta, le cadrage, souvent éloigné et large, perdant même parfois ses personnages dans une petite partie de l’écran et laissant de magnifiques paysages écrasants envahir le cadre, nous rappelle que cette histoire a une portée plus générale et métaphorique sur le pays témoin de ces événements : le Pérou.

Au delà du retour sur la sombre histoire récente du pays, dont les violences subies par les femmes entre les années 70 et 90 laissent encore de profondes cicatrices, le film s’inscrit dans la culture indienne Quechua et offre un magnifique portrait de cette communauté rarement montrée au cinéma. On découvre leurs musiques, leurs croyances et leurs mœurs (on assiste notamment à un mariage et à un enterrement), et la véracité du témoignage se trouve renforcée par le fait que tous les acteurs secondaires du film sont non-professionnels.

Sans occulter les qualités du métrage, on peut seulement regretter le manque de prise de risque d’un scénario un peu programmatique. Le côté instantané d’un mode de vie et d’une culture lointaine est certes fascinant, mais le parcours de Fausta est quand à lui un peu banal et ses étapes manquent de surprises. Si sa rencontre avec une riche pianiste est intéressante par le contraste qu’elle crée entre leurs deux univers, le personnage est par trop caricatural pour être vraiment crédible, et la critique sociale trop forcée pour être tout à fait convaincante. Il en va de même pour les autres « béquilles » que Fausta va croiser : le gentil jardinier, le sympathique amoureux, etc. Si le film a eu l’Ours d’or au dernier festival de Berlin, il n’est justement pas exempt des tares de films de festival (présentation d’un pays, discours social comme un passage obligé, parcours personnel s’inscrivant dans l’histoire du pays, etc…). Mais les « à côtés » du de la fiction (le témoignage sur le Pérou, la culture Quechua, la beauté de certaines métaphores) prennent le dessus sur l’histoire centrale, et apportent intérêt et même, parfois, émotion à ce joli petit film.

Titre original : Fausta

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Durée : 93 mn


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