Fais-moi plaisir !

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Le premier moyen métrage d’Emmanuel Mouret, Promène-toi donc tout nu, commençait par un écriteau annonçant la couleur : « Une comédie sentimentale pour adulte ». Depuis, on a l’impression qu’à chacun de ses films, le cinéaste explore une nouvelle voie de ce genre en apparence limité mais au final très riche. De la tendre chronique […]

Le premier moyen métrage d’Emmanuel Mouret, Promène-toi donc tout nu, commençait par un écriteau annonçant la couleur : « Une comédie sentimentale pour adulte ». Depuis, on a l’impression qu’à chacun de ses films, le cinéaste explore une nouvelle voie de ce genre en apparence limité mais au final très riche. De la tendre chronique amoureuse (Venus et Fleur) à l’humour verbal (Changement d’adresse), Mouret passe ici à un comique de situation franchement burlesque, gags visuels à la Peter Sellers à l’appui.

Le film se divise clairement en trois actes, et s’ils forment un tout homogène, on a parfois l’impression d’une certaine indépendance des parties lors de la vision. Débutant comme une comédie sentimentale classique, il expose la situation : alors que Jean-Jacques (le personnage type d’Emmanuel Mouret) veut faire l’amour à sa copine (l’inévitable Frédérique Bel), celle-ci se refuse à lui, troublée qu’il puisse avoir de l’attirance pour d’autres femmes. Afin que le fantasme ne se mette plus en travers de leur couple, elle lui demande alors de coucher avec une femme qu’il a récemment rencontrée. Celle-ci, fille du président de la République, l’invite le soir même à une soirée.

Là commence la seconde partie du film, qui se transforme peu à peu en prenant pour modèle l’univers absurde de Blake Edwards. Références aux années 60, couleurs vives et musique rétro : impossible de ne pas penser à The Party, surtout devant les gesticulations comiques de Mouret, détruisant tout sur son passage et essayant de sauver coûte que coûte les apparences. Les objets se liguent contre notre infortuné héros avec une logique digne des films de Tati. Sans atteindre la perfection comique de ces maîtres, Mouret s’en sort magnifiquement dans ce type d’humour, et la joie d’enfin trouver en France un comique ne relevant pas uniquement du discours nous fait rire de bon cœur à ces péripéties absurdes.

Le dernier acte prend un ton plus étrange, plus proche de la fable ou du conte avec une petite morale, toujours délivrée sans prétention. C’est plus à un After Hours non cauchemardesque mais lunaire et rêveur que l’on songe ici.

Car si Mouret adopte la forme légère de la comédie burlesque avec ce film, les trouvailles ne cachent pas son interrogation, toujours présente, sur le couple, mais l’approfondissent même, au contraire. Problématique essentielle de son cinéma, c’est toujours avec subtilité et inventivité que la question est abordée. La manière dont le cinéaste utilise l’appartement est par exemple représentative d’une illustration visuelle de son propos. On se souvient que dans Changement d’adresse, l’appartement que partageaient les personnages de Mouret et Bel n’avait pas de cloisons. Alors colocataires, cette configuration était évidement représentative de la proximité qui les unissait. Dans Fais-moi plaisir, c’est exactement l’inverse que dit l’appartement du couple : deux entrées différentes et un foisonnement de cloisons symbolisent leur éloignement dans leur proximité.

Des petites trouvailles comme celle-ci, il y en a plein dans Fais-moi plaisir, qui confirme tout le bien que l’on pensait du jeune cinéaste depuis Changement d’adresse.  Et on sait que le cinéma comique français a grand besoin du bol d’air qu’apporte la caméra de Mouret, pleine de fraicheur et d’originalité.


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