Enfin Veuve

Article écrit par

Ni un drame ni une comédie réussie, mais une succession de quiproquos banales qu´on oublie facilement.

A qui s’adresse Anne-Marie (Michèle Laroque) lorsqu’elle chante Si tu n’existais pas ? C’est la question qu’on est en droit de se poser en voyant Enfin Veuve d’Isabelle Mergault. Un réalisateur, suite à un premier film convaincant, est toujours attendu au tournant et la tâche en devient d’autant plus difficile. Après Je vous trouve très beau, succès public et critique, récompensé par un César (César de la Meilleur Première Œuvre), le deuxième long-métrage de la cinéaste ne parvient pas à se hisser à la hauteur de son prédécesseur. Le film s’avère être une comédie décevante voire inquiétante de superficialité.

S’ouvrant sur le visage d’Anne-Marie entonnant Si tu n’existais pas de Joe Dassin, Enfin Veuve revendique d’emblée deux choses : la focalisation sur le personnage féminin et le côté populaire. Mais ce dernier point doit-il forcément être accompagné d’un manque d’inspiration, d’originalité et d’audace ?

Reprenant le thème maintes fois utilisé de l’adultère, la réalisatrice suit Anne-Marie vivant entre amant et mari. Le jour où elle prend la décision de quitter son époux (Gilbert), qu’elle se torture l’esprit pour trouver les mots justes (qui se résumeront à « Je pars » !), celui-ci meurt dans un accident de voiture. Désormais resplandissante, la joyeuse veuve ne doit faire face qu’à sa belle-famille. La guerre des Roses n’aura pas lieu entre elle et son mari mais avec sa belle-famille.

Echapper aux scènes de ménages ou aux jeux de cache-cache par la simplification de l’adultère fut une idée plaisante. Malheureusement, le ton de la comédie n’est pas suffisamment affirmé. Aucun gag ni dialogue ne parviennent à faire de ce drame une comédie à l’humour noir et au cynisme jouissif. A force, les situations deviennent pathétiques et immorales. La réalisatrice, qui avait laissé transparaître des talents de dialoguiste et de scénariste lors de son premier métrage, ne trouve pas le talent pour dépasser les clichés et préfère se cloîtrer dans un pathos affligeant d’une femme seule, incomprise et jugée.

Ses personnages sont fluctuants et apparaissent au cours du film dans un schéma redondant : amant, belle-famille, mensonge et culpabilité d’Anne-Marie. Abondant de dialogues plats et de jeux de mots primaires, empruntés aux feuilletons télé à l’eau de rose (« Je ne peux faire ma vie sans toi »), Enfin Veuve s’emprisonne dans l’atonie. Les situations cocasses et surprenantes dignes de la comédie sont absentes. Le scénario s’enlise dans une histoire sclérosée et attendue. Les idées flottent mais aucune n’est concrétisée et ni aboutie.

Le deuxième film d’Isabelle Mergault ne possède pas d’identité claire. Ce n’est ni un drame ni une comédie réussie, mais une succession de quiproquos banals qu’on oublie facilement.

Titre original : Enfin veuve

Réalisateur :

Acteurs : , , , ,

Année :

Genre :

Durée : 97 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Carlo Lizzani : un cinéaste de conviction à réhabiliter

Carlo Lizzani : un cinéaste de conviction à réhabiliter

Le cinéma transalpin est jalonné de francs-tireurs forgés tout du long par une intime conviction de la réalité socio-historique de leur pays. Carlo Lizzani est de ceux-là qui se fit un devoir de débusquer l’hydre du fascisme dans nombre de ses films. La cinémathèque lui rend un hommage appuyé du 2 mai au 24 mai. L’occasion de faire découvrir et réhabiliter un cinéaste militant consacré par ses pairs. Focus sur « La chronique des pauvres amants qui lui valut le prix international du Jury à cannes en 1954…

Le Pianiste

Le Pianiste

Comment survivre dans le ghetto de Varsovie, ensuite vidé par les nazis en 1942-1943, puis vivre coupé du monde après pendant des mois: c’est ce que montre le film de Roman Polanski à partir de l’expérience du pianiste Władysław Szpilman dans un film aussi bouleversant qu’éclairant sur la nature profonde de l’humanité.