Elle s’appelait Sarah

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Mal fichu, sans idée, « Elle s´appelait Sarah » est un film paresseux.

Il est question dans Elle s’appelait Sarah d’une enquête menée par une journaliste américaine vivant en France (Kristin Scott-Thomas, dans un costume taillé pour elle en mère de famille bourgeoise) sur la rafle du Vel d’Hiv’. Elle retrouve alors la trace d’une petite fille et de ses parents ayant vécu dans l’appartement qu’occupe sa belle-famille depuis août 1942. Cet argument sert le développement du récit qui se construit suivant deux lignes parallèles, tentant d’articuler scènes contemporaines, centrées sur la journaliste et ses recherches, et flashbacks sur la rafle et la fuite de la petite Sarah (la petite fille de l’appartement) dont on apprendra qu’elle seule de toute sa famille aura survécu à son arrestation.
C’est le côté foutraque et mal maîtrisé qui ressort avant tout du film, dont l’ambition semble se réduire à juxtaposer des éléments visant à produire un effet choc, ou propice à susciter une émotion immédiate et bon marché. Le traitement de l’événement (la rafle) est à cette image, succession d’incidents, de mises en scène sans cohésion qui le renvoie au niveau du fait divers sordide (est exemplaire, à cet égard, ce plan qui nous montre une femme chuter du haut du vélodrome sous les yeux de Sarah et de sa famille). Il s’agit alors de « faire cinéma », au sens le plus vulgaire l’expression.
Alors qu’au début de son enquête, elle se rend au mémorial de la Shoah, Julia, la journaliste rencontre un homme qui y travaille et lui confesse œuvrer à redonner un visage et une réalité à chacun de ces destins. On voit bien là, glissé dans le plan sans aucune subtilité, un écho à l’ambition du cinéaste, appréhender l’événement historique à hauteur d’homme. Après tout, rien de mal à cela, même si l’on a à cet instant le sentiment d’une grande naïveté dans la formulation. Le problème est que l’idée, encore une fois à l’image du film dans son ensemble, est expédiée vite fait, que cette phrase insérée en introduction d’une scène mal fichue fait office de justification plutôt que de proposition. A la manière de ses deux lignes narratives qui se développent et semblent se croiser d’une façon totalement arbitraire, les choses du film sont posées ici et là, comme pour bien montrer qu’on répond au cahier des charges, mais l’ensemble ne prend jamais par manque de pensée quant au potentiel de la fiction et du cinéma en rapport à un tel sujet.
 
 

Autre exemple : il se dégage, lors des scènes de réunions de la rédaction au sein de laquelle travaille Julia, l’idée d’une amnésie des générations les plus jeunes quant à cette période de l’Histoire (voir les réactions de deux journalistes, pas très vraisemblables quand même dans un milieu tel que celui-ci, lorsque Julia entreprend de parler du Vel d’Hiv’), et de leur propension à juger leurs aînés un peu trop rapidement. Face à cela se dresse le personnage interprété par Kristin Scott-Thomas, emblème de la posture du film. Le débat sur la collaboration, à peine posé, est ainsi, grâce à elle, expédié en deux phrases (chacune déjà entendue mille fois au moins). Comment prétendre se positionner ainsi à hauteur d’homme sans prendre la peine de mieux caractériser ses personnages, sans leur laisser la chance d’exister, de prendre de l’ampleur, de sortir des clichés ? La plupart des portraits sont caricaturaux par paresse, et l’évanescence du personnage recherché, celui du titre, symptomatique d’une incapacité à s’emparer du sujet. La véritable position du film n’a rien à voir avec un quelconque point de vue. Elle est en plein dans le ventre mou d’une partie du cinéma français contemporain.

Titre original : Elle s'appelait Sarah

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Durée : 111 mn


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