Edouard Baer, le dandy du cinéma français

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Il est drôle, c´est un génie du verbe, il se prénomme Edouard et son nom rime avec guerre. Retour sur une lutte assez atypique dans le cinéma français.

Doit-on polémiquer ? Devons-nous pondre des lignes sur son histoire, déverser des tonnes de dates afin de mieux cerner le personnage. Aucunement ! Gardons-nous d’orienter un style vers une interprétation académique, poussiéreuse et dénuée de fantaisie. Edouard Baer n’est pas aimé, totalement incompris, trop « cravate club » pas assez « bronzé ». Regrettable analyse sans convictions qui englobe l’homme de théâtre dans un non-sens dangereux, le ridiculisant de tout et le présentant comme un bourgeois vaniteux, jet-setteur et sentant le whisky bien chaud des matinées enfumées. Triste délire.

Bientôt, Edouard Baer traînera sa pauvre carcasse dans un noir et blanc granuleux, peint par un Samuel Benchetrit cinéphile (J’ai toujours rêvé d’être un gangster), dans un rôle de prestidigitateur au chômage dirigé par une Tonie Marshall ludique (Passe-Passe) et dans la comédie dingo d’Eric et Ramzy (Seuls Two). Après avoir jeté aux pâtures sa fidèle troupe de comédiens pouilleux et adorablement lourds sur les planches de La Cigale en 2007 dans Looking for M. Castang, Edouard Baer prends une pause ciné et se laisse pousser la barbe afin de mieux fleurir les contes diaboliques de l’écran.

Certains l’on remarqué dans Astérix et Obélix : mission Cléopatre, Baer est le James Brown du verbe. Il "danse la vie", éructe contre les pauvres gens sans terre et claque la joue des hypocrites miséreux. Le cas Baer est unique dans le cinéma français. Il faut remonter très loin, jusque dans les années 30 ou un autre soul man du mot régnait en maître sur le paysage frenchy : Sacha Guitry. Même sens de la dérision, même esprit légèrement british, même fidélité dans la langue de Molière et surtout un sens irréprochable de la mise en scène. Toujours se tenir face aux projecteurs, telle est la devise de ces compagnons des routes sans joie. Le théâtre reste la base de tout, là où les fondements de la subtilité amenèrent Baer à se démarquer de ses contemporains, à l’envoyer se promener dans des quotidiens où chaque situation doit être tordue, écartelée, maudite, vomie pour devenir finalement qu’un "bon mot".

Avec son double sanguinaire, Ariel Wizman, Baer prit d’assaut les ondes de Nova (La Grosse boule) puis les lumières silencieuses de Canal + pour se retrouver devant des visages sans peur. Le must fut de confier cinq minutes à Baer, le soir, dans Nulle Part Ailleurs pour animer ce qui restera comme le chef d’œuvre du fou volant : Le Centre de visionnage de l’émission Nulle part ailleurs sur la chaîne Canal plus dans le but de contribuer à son amélioration dans la mesure où il y aurait lieu de le faire. On pouvait trouver dans ce chapeau de Merlin l’enchanteur, des brésiliens farfelus, des huissiers sentencieux, des moines soldats, des sorcières, des comiques troupiers dirigés par un drôle de moineau. Durant deux années (1997/1999), Baer déploya sa véritable et unique idée du rire : improviser tout en canalisant le phrasé. Simple à écrire, facile à entendre mais difficile de créer.

Le comble du rire selon Baer, c’est de clamer devant une salle ennuyée : "Désolé, je fais de l’humour bourgeois". Toute la contradiction du personnage se trouve dans cette phrase. Baer est conscient qu’il peut lasser, qu’il peut dérouter par son dandysme hautement affiché et surtout par ce faux dénigrement de l’âme humaine. Plus Baer se moque, plus il se prend d’affection pour sa victime. Dans La Bostella, chef d’œuvre incompris, Baer joue son propre rôle et invite toute son équipe dans sa maison de campagne pour préparer son émission de la Rentrée. On se moque beaucoup puis une légère véracité prend de l’ampleur pour donner un sentiment d’étrangeté. Baer dorlote tous ses personnages et finit par les inviter à un bal des dépressifs assez grandiose, ce qui donnera quelques séquences poétiques où l’on verse quelques larmes à défaut d’écrire son amour-propre.

Les cheveux en pétards, la veste trop étirée, la barbe de deux jours et des papiers pleins les poches, Edouard Baer chante haut et fort. Des sons étriqués, une musicalité excessive et un rythme soutenu. Lorgnant vers un humour d’outre-manche, Baer continuera de tremper sa plume dans des regards jaloux. Du moment qu’on se marre, c’est l’essentiel !


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