Divorce à la finlandaise

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Un couple tout juste séparé mais fauché entame une cohabitation qui dérape lorsque l’un des deux s’offre une aventure… Un thriller romantique pavillonnaire grinçant et jubilatoire, malgré quelques maladresses.

Elle est avocate, lui conseiller conjugal. Il y a dix ans, elle est tombée enceinte, il s’en est réjoui, elle a avorté. Depuis, il ne l’a plus touchée, elle ne l’a plus regardé. Il trouve qu’elle ressemble à sa mère. Elle le trouve gros et mou. Il s’appelle Juhani (Hannu-Pekka Björkman), elle, Tuula (Elina Knihtilä) et puisqu’ils vivent au nord du 60ème parallèle, ils vont divorcer « à la finlandaise », ce qui ne veut évidemment rien dire, mais constitue aux yeux des distributeurs français une précision indispensable : il semblerait que tout film de Mika Kaurismäki se doive d’annoncer clairement sa provenance (et sortir, si possible, en hiver).

L’an passé, son Three Wise men (en référence aux rois mages) était donc devenu « Un conte finlandais ». Quant à The House of the branching love (adapté d’un roman de Petri Karra), il sort cette semaine sous le titre on ne peut plus explicite de « Divorce à la finlandaise ». Qu’importe donc que le réalisateur, expatrié au Brésil depuis vingt ans, considère désormais sa terre natale comme « très exotique » et que sa dernière fiction se moque du postulat météorologique selon lequel le peuple finnois vit en permanence les pieds dans la neige.

Juhani et Tuula ont donc choisi de rompre les liens sacrés du mariage, mais à Helsinki comme ailleurs, les temps sont durs. Pour de basses raisons purement mercantiles (à moins que…), le futur ex couple décide de prolonger un peu la cohabitation, le temps de se refaire un pécule personnel, s’accordant sur un modus vivendi aux règles très strictes, scotchées sur le Frigidaire : elle garde l’étage, il s’installe au rez-de-chaussée et personne ne ramène d’amant ou de maîtresse dans ce domicile plus très conjugal. Une nuit, Junahi s’offre un petit écart et c’est le drame : Tuula, verte de jalousie, se met en tête de lui briser le cœur. La guerre peut commencer…

« En Finlande, les gens gardent tout pour eux, ils montrent peu leurs émotions et lorsqu’ils n’en peuvent plus, ils explosent. Les histoires se règlent dans l’enceinte des maisons, pas dans les rues », nous expliquait Mika Kaurismäki lors d’une interview en décembre 2009.
Ici, il grossit donc le trait, opposant de manière volontairement caricaturale la vie extérieure policée de ses personnages et l’hystérie de leur intimité. L’escalade des vengeances a tout du puits sans fond et le réalisateur s’autorise les coïncidences et les rebondissements les plus improbables, dotant son héroïne d’une mère maquerelle planquée dans les pays Baltes (la très charismatique Kati Outinen, souvent vue chez l’autre Kaurismäki) et son pendant masculin d’un demi-frère recherché par la police (l’excellent Antti Reini et sa voix d’outre-tombe).

Kaurismäki en fait beaucoup, ce qui aurait pu devenir trop s’il n’avait pas pioché ses comédiens dans l’élite des acteurs Finlandais et s’il n’avait pas exploité jusqu’au bout tous les ressorts de ce huis-clos pavillonnaire. Mais il assume tout, pour le meilleur et pour le pire, y compris le grotesque de certaines situations avec un plaisir cynique et enfantin contagieux. Une comédie romantique déguisée en thriller domestique et concoctée à la sauce Kaurimäski : tendrement maladroite, impitoyablement corrosive et cruellement jubilatoire.

Titre original : Haarautuvan rakkauden talo

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Durée : 102 mn


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