DiCaprio et Williams: Scorsese leur va si bien

Article écrit par

Douze ans après un naufrage ou les ravages de l’adolescence, pleins feux sur les carrières de Leonardo DiCaprio et Michelle Williams, à l’affiche du dernier Scorsese, « Shutter Island ».

Leonardo DiCaprio, et ce n’est pas fini…

 

Rares sont les acteurs à se hisser aussi haut et aussi vite dans l’Olympe hollywoodien que le jeune Leonardo DiCaprio qui en arpente les cimes depuis presque vingt ans maintenant. Comme beaucoup d’apprentis comédiens, il se fait remarquer à force d’apparitions brèves mais régulières dans des shows tv à l’aube des années 90 comme Santa Barbara ou Roseanne. Quatre ans plus tard il est déjà nominé aux oscars pour un rôle d’handicapé mental dans le film Gilbert Grape aux côtés de Johnny Depp et de Juliette Lewis. C’est tout juste s’il passe par la case « film de genre à petit budget » avec Critters 3, sa première apparition dans un long métrage. Dès 1993 sa carrière est en orbite lorsqu’il affronte Robert De Niro dans Blessures Secrètes. DiCaprio a 19 ans et il en fait 5 de moins. Cette juvénilité que rien ne semble altérer l’enfermera dans un type de rôle (l’ado romantique) pendant bien longtemps.
Il est de bon ton d’affirmer que la carrière de Leonardo DiCaprio commence qualitativement avec Titanic qui en fait la star la plus convoitée au monde à la fin des années 90. Ce serait oublier (par exemple) son exceptionnelle interprétation d’Arthur Rimbaud dans Rimbaud Verlaine, dont l’incroyable sens du détail et la justesse dont il fait preuve révèle déjà un très grand acteur qui peut donner beaucoup lorsqu’on le met à l’abri des clichés. C’est d’ailleurs un des rares rôles où l’on permet à DiCaprio de construire un personnage plus ambigu dans ses actes et sa psychologie. Bref à mille lieux de l’icône romantique et hétéro qu’il est devenu avec le film de James Cameron ! Sa rencontre avec le futur réalisateur d’Avatar a bien sûr transformé la vie et la carrière du jeune acteur déjà en pleine ascension puisqu’il sort à peine du tournage de Celebrity de Woody Allen et d’un film à gros budget (L’Homme au Masque de Fer) lorsqu’il incarne le héro de Titanic. La volonté première de Cameron est de créer un classique immédiat du cinéma à la fois ultramoderne techniquement tout en recherchant une pureté romanesque à travers une histoire d’amour impossible et tragique. Espace mythique et budget dantesque, autant d’éléments qui propulsent d’emblée le rôle de DiCaprio au panthéon du cinéma, entraînant l’acteur avec lui.
L’incroyable médiatisation qui se presse alors autour de Leonardo DiCaprio est telle qu’elle permet à La Plage, film mineur de Danny Boyle, de bénéficier d’une couverture exceptionnelle. Imposé par les producteurs en lieu et place d’un Ewan McGregor bien mécontent, l’acteur américain effectue un virage artistique salvateur, prouvant qu’il peut s’immiscer dans tous les registres et qu’il n’est pas esclave de l’image véhiculée par ses admirateurs comme ses détracteurs. Mais DiCaprio cherche encore sa place à Hollywood et une crédibilité à la hauteur de sa popularité. Sa rencontre avec Martin Scorsese en 2000 pour le tournage de l’épique Gangs of New York va créer une émulation parfaite entre les deux hommes qui partagent des origines communes (italiennes) et un amour du septième art flamboyant qui va les lier pendant des années. Ne tarissant pas d’éloges l’un pour l’autre, DiCaprio et Scorsese voient en leur union artistique un nouveau départ pour leur carrière respective. Profitant du retard de Gangs of New York qui ne sortira qu’en 2003, Leonardo DiCaprio tourne avec un autre grand cinéaste du Nouvel-Hollywood : Steven Spielberg. Celui-ci lui offre le premier rôle de Catch Me If You Can aux côtés de Tom Hanks et interprète un surdoué de l’arnaque, capable de prendre illégalement de multiples identités. Métaphore même de l’acteur, le rôle offre à DiCaprio une interprétation légère, toute en espièglerie contrastant avec celle de Gangs of New York, qui sort la même année.

Parallèlement à sa carrière artistique, l’acteur américain se fait connaître pour son engagement politique et son militantisme écologique à travers un grand nombre de donations notamment pour promouvoir le candidat démocrate John Kerry en 2004. De plus, la star s’investit dans la production la même année pour le film The Assassination of Richard Nixon de Niels Mueller, film politique où il apparait au générique comme producteur exécutif. En 2007, il s’ajoute la casquette de scénariste pour le documentaire La 11e Heure, le dernier virage qu’il produit également et qui traite des enjeux écologiques actuels.

 

Producteur, Leonardo DiCaprio l’est à double titre dans Aviator, sa seconde collaboration avec Scorsese, puisqu’en plus d’apparaître au générique à ce poste, il y incarne Howard Hughes producteur mythique des années 30 et aviateur passionné à la psychologie complexe. Déclaration d’amour splendide au septième art et portrait intelligent d’un personnage « bigger than life », Aviator offre à DiCaprio une deuxième nomination aux Oscars, pour le meilleur acteur cette fois. Sans doute une des meilleurs prestations de l’acteur à ce jour, le rôle d’Howard Hughes lui permet de s’illustrer dans des séquences touchantes où le personnage reclus depuis des jours fusionne presque physiquement avec les images qu’il projette inlassablement sur le mur de sa chambre dévastée. Scorsese et DiCaprio sortent tellement enthousiastes d’Aviator qu’ils décident de se lancer immédiatement dans un autre projet. Le remake du film hongkongais Infernal Affairs est alors confié au réalisateur qui choisit Matt Damon pour épauler son nouvel acteur fétiche aux côtés de Jack Nicholson en parrain de la mafia irlandaise. Réappropriation ingénieuse du film original, Les Infiltrés renouent avec les thématiques fondatrices du cinéma de Scorsese en attribuant à DiCaprio un rôle de policier infiltré dans la mafia qui doit gagner la confiance de son parrain, au moment même où un membre de cette même mafia irlandaise infiltre la police de Boston.
En 2007, un an après Les Infiltrés, Leonardo DiCaprio rappelle son engagement politique et humanitaire en apparaissant dans le film d’aventure Blood Diamond d’Edward Zwick qui s’intéresse à la guerre civile de Sierra Leone et à la contrebande de diamants. L’investissement de DiCaprio lui vaudra une nouvelle nomination aux oscars où on le verra sur scène aux côtés d’Al Gore. Après Scorsese et Spielberg c’est Ridley Scott qui s’intéresse à la star avec Mensonge d’Etat, thriller sorti en 2008 qui traite lui aussi d’enjeux très actuels et notamment la traque des leaders d’Al-Qaida au Moyen-Orient. En 2009, Les Noces Rebelles de Sam Mendes permet à l’acteur de retrouver sa partenaire de Titanic, Kate Winslet. Le réalisateur d’American Beauty met en scène le célèbre couple d’acteurs pour mieux détruire son iconicité par le gouffre menaçant du conformisme.

Cinq ans après Aviator, l’élève et le mentor reviennent avec Shutter Island, métrage aussi attendu que retardé où DiCaprio investit un hôpital psychiatrique de haute sécurité pour enquêter sur la disparition mystérieuse d’une pensionnaire. Un grand film en perspective à l’heure où Scorsese prépare déjà un biopic sur Théodore Roosevelt, on vous laisse deviner qui incarnera le rôle titre… D’autant que Leonardo Dicaprio, à 35 ans, semble sur tous les fronts puisque dans quelques mois sortira Inception du très prisé Christopher Nolan et qu’il est annoncé au casting du prochain Mel Gibson pour incarner un Viking ! Preuve que la filmographie déjà hallucinante de la star n’est pas prête de faiblir avec les années et peut encore nous réserver bien des surprises.

Michelle Williams, ce n’est qu’un début.
..

 

A même pas trente ans, Michelle Williams se retrouve à l’affiche du dernier film de Martin Scorsese, Shutter Island, aux côtés de Leonardo DiCaprio, et avec une carrière longue de déjà dix-sept ans. Si le rôle de Jennifer Lindley, qu’elle tient durant les six saisons de la série Dawson, l’a fait connaître du grand public en 1998, Michelle Williams avait déjà de nombreux rôles à son actif à la télévision ou au cinéma.
Passionnée de théâtre et de lecture dès son plus jeune âge, sa vocation lui serait venue lors d’une représentation de Tom Sawyer. Sa première apparition à l’écran date de 1993 dans la série Alerte à Malibu. Elle joue ensuite dans plusieurs épisodes de la saison 4 de Notre Belle Famille en 1994. La même année, elle tient le premier rôle « humain » au côté de la superstar Lassie dans Les Nouvelles Aventures de Lassie. A quinze ans, après des cours en accéléré, elle passe et obtient son bac avec deux ans d’avance. Elle quitte alors le foyer familial du Montana pour vivre seule à Los Angeles et débuter véritablement sa carrière. Entre quelques petits boulots, elle tourne en 1995 dans son premier film : La Mutante (Roger Donaldson). Elle participe ensuite à plusieurs films qui ne rencontrent aucun réel succès ni critique, ni public, mais qui lui permettent de jouer avec Michelle Pfeiffer (Secrets, Jocelyn Moorehouse, 1998) ou encore Jamie Lee Curtis (Halloween, 20 ans après, Steve Miner, 1998).
Arrive alors la série Dawson et le succès qu’on lui connaît de 1998 à 2003. Michelle n’arrête pas pour autant le cinéma. Ses choix se font d’ailleurs de plus en plus sûrs. Elle se dirige davantage vers un cinéma exigeant, qui l’éloigne de son rôle dans la série pour ados. Elle fait une brève apparition dans But I’m a cheerleader (Jamie Babbit, 1999), film à l’esthétique kitsch sur un camp de thérapie destiné à rendre hétérosexuels des adolescents aux penchants homo. L’homosexualité est au cœur de son film suivant. Dans Sex Revelations (If These Walls could talk 2, Jane Anderson, Martha Coolidge & Anne Heche, 2000), elle joue, aux côtés de Chloë Sevigny, le rôle de Linda, une jeune lesbienne féministe qui ne cache pas sa sexualité au début des années 1970. En 2001, elle partage l’affiche de Prozac Nation (Erik Skjoldbjærg) avec Christina Ricci, Jessica Lange et Anne Heche. Le film évoque l’apparition du Prozac dans le traitement de la dépression. Elle tourne encore dans l’acclamé The United States of Leland (Matthew Ryan Hoge, 2003) sur un centre de redressement de mineurs délinquants. Tout donc, sauf les habituelles bouffonneries ou pseudo films d’horreur réservés aux acteurs de série pour leur passage au grand écran.
En 2003, Dawson s’arrête. Si la plupart de ses acteurs connaissent de grandes difficultés à rebondir, la carrière de Michelle Williams, qui n’a jamais cessé de tourner en parallèle, prend son envol. En 2004, elle est à l’affiche de Land of Plenty de Wim Wenders. Premier rôle post-Dawson et réputation du réalisateur suscitent la curiosité du milieu du cinéma. Elle est saluée pour sa prestation dans le rôle de Lana, jeune américaine qui revient dans son pays après des années passées en mission humanitaire. Comme souvent chez Wenders, il s’agit pour le personnage de redécouvrir un territoire. Territoire que Lana ne reconnaît plus. Ses cheveux teints en brun accentuent sa pâleur dans le film, de même que l’aspect hagard du personnage à la recherche de ses propres racines.

A partir de ce film, Michelle Williams se met à collectionner parmi les plus beaux seconds rôles du cinéma indépendant américain. Sa prestation d’épouse trompée dans Le Secret de Brokeback Mountain d’Ang Lee (2006) lui vaut une nomination aux Golden Globes et aux Oscars. Elle incarne l’actrice et mannequin Edie Sedgwick dans la biographie imaginaire de Bob Dylan, I’m not there (2007), par Todd Haynes. En 2008, après le très remarqué Old Joy (2006), Kelly Reichardt lui offre le premier rôle du beau Wendy et Lucy. Elle y incarne Wendy, une jeune femme traversant les Etats-Unis en voiture pour trouver du travail en Alaska. En panne dans l’Oregon, Wendy sans argent perd ce qu’elle a de plus précieux, sa chienne Lucy. Le film fut présenté au Festival de Cannes 2009 dans le cadre de la quinzaine des réalisateurs. Michelle Williams émeut dans ce rôle de garçonne dont le voyage/parcours vers l’âge adulte se fait par la perte et l’abandon d’une partie de soi, rôle qui la rapproche encore de l’univers de Wenders.

Après une belle apparition dans le raté Synecdoche, New York de Charlie Kauffman (2008), Scorsese lui offre enfin son premier rôle important de femme. Michelle ne joue plus une adolescente ou une très jeune adulte encore à la recherche d’une direction à donner à sa vie. Dans Shutter Island, elle est épouse et mère. Dans ce rôle difficile, dont nous nous garderons bien d’en dévoiler plus, Michelle Williams se révèle troublante et émouvante. On découvre chez elle une densité de jeu que pour l’instant nous n’avions fait que pressentir. Une nomination aux Oscars en perspective ? Elle serait méritée.

Prochainement à l’affiche, entre autres, de Blue Valentine (Derek Cianfrance), elle incarnera Marilyn Monroe dans Ma Semaine avec Marilyn (Simon Curtis, 2011), puis l’auteur de Jane Eyre dans Brönté (Charles Sturridge) aux côtés de Kristin Scott Thomas et Jonathan Rhys-Meyers. La série à succès est maintenant loin derrière elle et Michelle Williams semble construire pas à pas et discrètement, l’une des plus belles carrières de la jeune génération américaine. Définitivement, c’est une actrice avec laquelle il faut compter et qui n’a pas fini de nous surprendre.

 


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi