Difficile de s’y retrouver dans tous ces croisements qui disent bien l’errance et la volonté d’union des Africains. Le passage à l’île de Gorée n’est pas inutile à cet égard pour tenter de faire comprendre comment s’est développée l’arrivée des Noirs sur le continent américain. Sophie en Italie, Abdoulaye à New York et Thierno dans son retour aux sources au Sénégal, pour lui qui ne connaît que New York. Lors de son arrivée à l’aéroport, accueilli par la famille de Dakar après la mort de son père, l’occasion est belle pour Dyana Gaye de nous proposer une peinture du Sénégal avec ses palabres, ses costumes aux couleurs chatoyantes, la famille élargie et quelque peu envahissante. Des images d’enfants nous resteront en mémoire, tout comme le portrait de la jeune cousine amoureuse de Thierno et qui, sur le bateau devant l’île de Gorée, lors de leur rencontre avec des touristes américains, osera se faire passer à son tour pour une New-Yorkaise.
Il ne s’agit pas seulement d’un film sur le voyage et l’immigration, mais aussi sur l’amour, ses leurres et les rencontres fortuites qu’on peut faire et qui changent notre vie, comme Sophie qui, par exemple, va rencontrer Vadim, jeune Russe qui lui fera oublier Abdoulaye.
C’est un peu La Ronde ici, car Abdoulaye reviendra sans doute et ne la trouvera plus, on ne peut aussi s’empêcher d’imaginer une suite car le film nous propose des pistes, des débuts d’histoire, mais ne nous mâche pas trop le travail. Rien à voir non plus avec les films de melting-pot style Cédric Klapisch. Ici, le film se donne entre documentaire et fiction et s’épanouit surtout en nous proposant de belles images. Des plastiques magnifiques, des visages comme des sculptures Massaï, une lumière, une atmosphère à chaque fois la même et à chaque fois différente, selon qu’on se trouve à Turin, à New York ou à Dakar. Mais partout la même mélancolie, teintée de bonne humeur et de fatalisme. Une pensée pour les acteurs tous très naturels et convaincants, pour la directrice de la photographie, Irina Lubtchansky, et pour Cécile Vargaftig qui a imaginé le scénario avec Dyana Gaye.