De l’enfant à la mère, l’oiseau qui parle
C’est sa mère qui offrira d’ailleurs à Mathilde le compagnon de l’imaginaire le plus délicat et fantaisiste pour le réel de l’enfant, un oiseau que la petite fille découvrira doté de parole, une voix (incarnée en off avec talent par Micha Lescot) inaccessible aux oreilles de sa mère. En offrant du fantastique au film, Noémie Lvovsky crée un tiers, comme sorti d’un conte, venu colorer l’appartement et le quotidien de Mathilde et de sa mère. « Mes yeux voient autre chose que ce que je regarde. » dira celle-ci à son ex-mari (Matthieu Amalric), figure bienveillante mais comme détachée du vase clos dans lequel vivent sa fille et son ex-femme. S’il est « autorisé » à Mathilde de voir autre chose que ce qu’elle regarde, d’entendre autre chose (un oiseau qui parle) que le lot commun, les fugues à répétition de sa mère, adulte, ses absences, psychiques et physiques, renvoient un mur de détresse et de désarroi au monde et parfois à Mathilde. Pour accompagner ce récit, les registres du film se succèdent et s’échangent, le chagrin s’efface lorsqu’il devient trop lourd, la fantaisie se décale lorsqu’elle commence à perdre de sa modestie. La réalisatrice conduit sa mise en scène sur un fil qui ne craque jamais, maintenant jusqu’au bout son mélange de douceur amère et de tristesse colorée, dans un décor qui laisse la part belle à la création.
« Oh my Mama »
Ce lien mère-fille qui s’incarne de manière profonde à l’écran, accompagné par l’émouvante chanson « Oh my Mamma », comme une dédicace, de la musicienne américaine Alela Diane, tient beaucoup à la pétulance de la jeune Luce Rodriguez et à la poésie de Noémie Lvovsky. Il y est autant question d’amour que de déroute et Demain et tous les autres jours arrive au cinéma peu après une autre mise en scène d’un lien d’amour démesuré, celui de deux frères, dans le bouleversant film des frères Safdie, Good Time. Si le long métrage de Lvovsky n’a pas l’audace cinématographique et la puissance formelle de l’oeuvre des new-yorkais, il possède cette incarnation inéabranlable du lien sentimental qu’il dépeint. La dernière partie du film, Mathilde adulte et sa mère, viennent parachever l’exploration d’un lien, ici d’une mère avec sa fille, et ses mystérieux ressorts, jusque face à la maladie psychique. Dans une belle séquence, la jeune femme danse avec sa mère, puis lui raconte des histoires, suivant son incitation, après le cadeau d’un oiseau des années auparavannt : « She told me use your voice, my little bird ».