De l’eau pour les éléphants

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Un film << de prestige >>, trop lisse et ennuyeux.

Les rencontres entre le grand spectacle hollywoodien et le monde du cirque laissent pour l’essentiel, si l’on excepte quelques chefs-d’œuvre lumineux (Chaplin, Tod Browning), le souvenir de grandes fresques ennuyeuses. La dernière « œuvre » de Francis Lawrence (déjà réalisateur dans des genres très différents et avec des résultats chaque fois très moyens du thriller fantastique kitsch Constantine et d’une adaptation du roman de science-fiction de Richard Matheson Je suis une légende) ne fait pas exception. Casting à paillettes, arrière-plan historique dramatisant l’action (la Grande Dépression des années 30), grande histoire d’amour et de révolte contre le destin, moyens importants : tout va dans le sens de la mise en œuvre d’une grande fiction romanesque suivant la tradition hollywoodienne. Mais au final, la platitude de la mise en scène désamorce tout lyrisme et empêche le film de décoller. Pas tellement la grande aventure, donc.

Suite à la mort tragique de ses parents, Jacob Jankowski (Robert Pattinson, assez fade), étudiant à l’école vétérinaire de Cornell, se voit subitement plonger dans la misère. Dépossédé des biens familiaux suite au non remboursement d’un prêt effectué par son père, il est jeté sur les routes. Ses vagabondages lui font croiser le chemin du cirque des frères Benzini, où il parvient à se faire engager grâce à ses connaissances médicales. Le jeunot s’éprend alors d’une belle écuyère (Reese Whiterspoon), malheureusement mariée au grand patron (Christoph Waltz, plutôt convaincant), un homme tyrannique et violent qui n’hésite pas à faire jeter de son train lancé à pleine vitesse les employés ne donnant pas entière satisfaction. L’arrivée au sein de la troupe d’un éléphant à dresser pour le spectacle va rapprocher les jeunes tourtereaux.

Adaptation du roman de la canadienne Sara Gruen Water for Elephants, le film joue pleinement la carte du contraste entre la saleté des coulisses et le clinquant du spectacle. Rien de particulièrement nouveau là-dedans, mais c’est une recette qui continue de marcher. Sous la piste aux étoiles, la boue, la seconde étant bien évidemment de très loin la plus intéressante. Le problème est finalement que le film donne l’impression de ne pas totalement jouer le jeu. Sa saleté manque incontestablement de piquant. S’il s’acharne avec force grimaces, cris, coups, colères, à faire comprendre que le patron a mauvais caractère, le cinéaste néglige ses personnages secondaires. Sa colonie d’artistes pauvres logés dans des wagons à bestiaux existe à peine à l’écran. Pas d’intrigues, de sentiments, de rivalités, presque pas de paroles : juste une vague solidarité qu’on est surpris de découvrir dans la dernière partie avec une histoire de vengeance qui sera malheureusement bâclée. Côté spectacle, ça n’est pas très brillant non plus. Les représentations, plutôt kitsches et vraiment très mal filmées, ne prennent que très peu de place. Elles garderont toujours un caractère très anecdotique. Francis Lawrence s’intéresse manifestement avant tout à la romance entre Pattinson et Whiterspoon. Celle-ci est malheureusement traitée avec une retenue qui finit par faire ressembler ses personnages à de simples figures de papier, évanescentes et sans aucune consistance.

De cette grande fresque trop lisse pour emporter on ne retiendra donc pas grand-chose. Restent quelques scènes plutôt bien rythmées dans le premier tiers, notamment lors de la découverte et de l’exploration du train par le jeune Jacob, ainsi qu’une part de mystère qui parvient à exister un moment autour du personnage d’August, essentiellement grâce à l’interprétation de Christoph Waltz. Mais l’apparent manque d’intérêt du cinéaste pour son sujet contient l’imaginaire du film dans des limites qui déçoivent. Francis Lawrence se contente de peu. Il y avait pourtant là matière à suivre des pistes plus excitantes. A l’image des multiples écueils du film, est cette scène dans laquelle Jacob et August sur le toit du train lancé à pleine vitesse s’entendent pour travailler ensemble. Aucun souffle n’est perceptible dans cet échange. Tout y est plat. Aucune ivresse dans le filmage. Seule marque d’agitation : un peu de vent dans les cheveux. Pas de quoi s’enflammer.

Titre original : Water for Elephants

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Durée : 115 mn


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