Confession of Pain (Seung sing)

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Le scénario de Confession of Pain repose sur un crime parfait… ou presque. Il se base aussi sur une narration riche, intense et subtile dans laquelle se mêle vengeance, amour et dépression. Les deux héros principaux, deux flics, sont les contraires de chacun : Hei, un supérieur glacial, est toujours vêtu de noir. Il porte […]

Le scénario de Confession of Pain repose sur un crime parfait… ou presque. Il se base aussi sur une narration riche, intense et subtile dans laquelle se mêle vengeance, amour et dépression. Les deux héros principaux, deux flics, sont les contraires de chacun : Hei, un supérieur glacial, est toujours vêtu de noir. Il porte sur lui l’empreinte de la mort. Il mène, tout au long du film, une danse avec la mort… Lorsque son beau père meurt, il contacte Bong, son ancien partenaire, qui noie le malheur d’avoir perdu sa femme enceinte dans l’alcool. Celui-ci, malgré son attrait pour le whisky, réalise qu’il devra se méfier des apparences. Le film en cela exploite magistralement les faux semblants. Le premier plan du film, l’inspecteur Hei observant aux jumelles son collègue Bong pour les besoins une enquête puis remettant ses lunettes est très significatif. Confession of Pain est un film qui ruisselle de mécanismes machiavéliques plus ou moins prononcés et assumés ayant pour vocation de créer des distancions de puissances entre les personnages.

Le film comme toute tragédie urbaine sur la manipulation exploite à merveille les extérieurs, les intérieurs et ses couleurs, la ville. Hong Kong est glaciale et cruelle. L’attirance et la voluptuosité qu’elle dégage n’a d’égal que son versant mortuaire et obscur. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que presque tout le film se décline la nuit. Le film est une peinture saisissante et remarquable de Hong Kong. Les plans d’hélicoptère et le montage durant la première chasse au début du film sont époustouflants. Ils conçoivent la ville chinoise comme une aporie. C’est, semble t-il, l’idée principale du film. La resistance, l’échec de l’homme face à ses plans, face à lui-même. L’homme en tant que tel est à (re)découvrir. L’acuité et la resistance au monde provient de la perspicacité et de la rapidité de la réflexion des personnages à déjouer les pièges qui leur sont tendus. Le tout mène vers de l’absurde : la vengeance, le meurtre. Les répliques sur la fabrication du whisky au début du film en sont les premières touches. Ensuite, le scénario distingue et modifie ce thème par des jeux et des varations qui fleurissent grâce aux faux semblants. L’utilisation du verre (avec les lunettes, les fenêtres des batiments, les vitres des voitures…) permet au film de créer insidieusement une narration à plusieurs fonds. L’épaisseur même de la texture du plan est à questionner. Un tout se constitue de plusieurs matières hétérogènes qu’il concevrait d’interroger. Le film se caractérise par un volume impressionnant du fait de l’effeuillement de sa narration et des allers et retours entre le passé et le présent. La double temporalité du film est d’ailleurs imprégnée d’une violence graphique étonnante.

Cette violence graphique tient en plusieurs éléments : le montage, la photographie resplendissante de beauté froide… Mais l’élément majeur qui permet au film de marquer les esprits est l’utilisation du sang. Le sang comme choc visuel mais surtout comme garant d’une intensité dramatique et picturale très présente. Les jets de sang, lors de l’assassinat du beau père de l’inspecteur taciturne et chevronné, créent une émulation graphique qui se pose comme une rupture face à la staticité d’un plan ou comme un conflit graphique rouge-sang face au noir et blanc des souvenirs. La puissance et la soudainneté des traits, des raies sanguinolentes pourraient se réclamer d’un héritage des toiles de Jackson Pollock. La vigueur de leur intervention et de leur utilisation rend beau et poétique l’horreur d’un meurtre. Ces excès de violence rendent palpable le caractère pulsionnel de l’œuvre. La perpétuation de la violence graphique s’élabore dans le film grâce à une exploitation des jeux contrapuntiques de couleurs. L’élaboration de la palette graphique confère au film sa force et sa patte. Le film embrasse une kyrielle de tentatives, d’assemblages colorés tous prompt à garantir une ténuité et une intelligence de mise en scène qui fondent le succès de Confession of Pain.

Ce thriller est une œuvre magnifique, intelligente au style impressionnant. Les acteurs (Tony Leung et Takeshi Kaneshiro en tête) sont remarquables. Seul petit bémol, des passages et des informations ou retournements de situations sont un peu prévisible. Mais le plaisir de voir une œuvre aussi bien filmée, aussi bien construite sur la souffrance et le renouveau, aussi savamment travaillée n’en est pas amoindri. Un modèle du genre.

Titre original : Seung sing

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Durée : 110 mn


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