Comment tuer votre femme ? (How to murder your wife)

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Jack Lemmon, Terry-Thomas et Virna Lisi dans une comédie refraichissante et enjouée. Un film débridé aux allures de screwball comedy.

Mister Ford et son valet son deux célibataires invétérés. Un duo d’hommes irresistibles qui manient humour noir et cynisme, et créent une bande-dessinée, Bash Brannigan, qui n’est que l’expression de leur vie fantasmée, celle de héros vivant d’action, de péripéties et d’aventures. Cependant, la réalité est toute autre : clichée, monotone et moribonde. Stanley Ford a une propriété située en plein New-York à deux pas d’un chantier. Il est persécuté par des travaux très bruyants et coincé dans une vie de célibataire sans relief : le gymnase, le club, les petits déjeuners à heure fixe… Puis, lors d’un enterrement de vie de garçon, un peu ivre, il tombe sous le charme félin d’une belle italienne qui deviendra sa future femme… accidentellement… Comment va réagir Stanley, qui a une peur bleue de la vie conjugale ?

L’humour noir du film est un régal. Entre misogynie absurde et clichés extravagants de la femme italienne, Comment tuer votre femme ? saborde avec une malice dissimulée le bien-être d’un vieux garçon fier de son célibat et de sa vie réglée à la minute près. L’irruption de la jeune italienne est fracassante. Elle provoque le départ du majordome, furieux d’avoir été trahi par son employeur. Les escapades endiablées destinées à donner vie au personnage de Bash Brannigan sont terminées, Stanley prend 10 kilos et perd foi en sa vrilité. Totalement dépassé par les événements, il perd de son aura. Il ne rayonne plus, n’est plus le saillant homme présenté au début du film. Lui qui, dans la fiction de la bande dessinée, se démène et vit à coups de montées d’adrénaline, ne parvient pas à divorcer d’une femme qu’il a demandée en mariage alors qu’il était ivre. La mise en abyme permet à Richard Quine d’adapter avec un style introspectif les désirs et fantasmes d’un homme qui ne se libèrera que partiellement. L’enjeu pour l’homme, dominé par la femme dans le film, réside ici.

Les hommes vivent mal dans leur peau. Leur pouvoir et leur influence se désagrègent. Les femmes usent et abusent de leur pouvoir autoritaire pour brimer leurs maris. La révolte couve et explose dans le tribunal, symbole de la justice. Le plaidoyer qu’offre Jack Lemmon, absurde et décalé, démontre que l’omnipotence féminine pousse leurs époux à franchir la ligne fatadique entre l’innocence et la culpabilité pour s’affranchir d’une domination féminine etouffante et alinéante. L’emprise de Miss Ford souligne de manière grinçante et quelque peu caricaturale la faiblesse de l’homme et son incapacité à être autonome. Le majordome de Stanley accentuait même passivité de son employeur. Il faisait couler la douche de Charles, le réveillait, le pesait… Immature et infantile, Stanley a besoin d’une mère. Charles remplit ce rôle de substitution avec plaisir. L’irruption de Miss Ford rend le majordome inutile, il perd son rang malgré les promesses de divorce de Stanley. Personnage hermaphrodite, Charles gagnera ses galons d’homme à part entière à la fin du film, victime du charme d’une femme, à son tour.

L’humour du film, quelque peu puéril, est efficace. Hommes et femmes s’adonnent à des joutes verbales, les femmes humilient gentiment les hommes pour s’approprier le pouvoir : un homme, selon elles, a toujours quelque chose à se reprocher… Richard Quine délivre une œuvre légère et pleine de charme malgré quelques clichés. Porté par un Jack Lemmon sensationnel, Comment tuer votre femme ? est une œuvre remplie d’enfantillages touchants, d’un humour cartonnesque savoureux.

Titre original : How to Murder Your Wife

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Durée : 118 mn


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