Coffret 6 DVD « Films et Droits de l’homme »

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Rendre la parole à ceux qui en sont privés, avoir le courage de ne plus se taire… A l´occasion du 10e anniversaire du Festival International du Film des Droits de l´Homme sort ce coffret rassemblant six documentaires engagés. Plus qu´utiles : nécessaires.

« La dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. » Ainsi débute la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Soit. Mais qu’en est-il aujourd’hui, à l’heure où les habitants de Homs subissent de plein fouet les bombardements du régime syrien ? Si les révolutions arabes ont ajouté une pierre à l’édifice du combat pour les droits de l’homme, la bâtisse semble encore bien instable.

En témoigne ce coffret rassemblant six films sélectionnés par le Festival du Film des Droits de l’Homme de Paris, qui célèbre cette année son dixième anniversaire. Six documentaires engagés, six œuvres qui ont marqué cette décennie. Entre elles, peu de points communs : leurs réalisateurs sont britanniques, canadiens, français, allemands et leurs champs d’investigation vont de l’Hexagone au Rwanda en passant par la Colombie et le Turkménistan. Leurs méthodes elles-mêmes diffèrent : au silence contemplatif et indigné de No comment, consacré à la tragédie humaine des migrants en transit à Calais, succède l’afflux de commentaires de William Francome dans Toute ma vie (en prison). A la lenteur du premier documentaire – attendre, inlassablement, une occasion de traverser la Manche – s’oppose le bouillonnement du second : chercher, sans cesse, de nouveaux témoins à interroger, de nouvelles preuves à apporter.

Mais dans chacun de ces films, on devine une insatiable soif de témoigner, de rendre la parole à ceux qui en sont privés : leaders syndicaux colombiens abattus par des milices paramilitaires (L’Affaire Coca-Cola) ; citoyens rwandais dont les blessures, dix-huit ans après le génocide, n’ont pas encore cicatrisé (J’ai serré la main du diable et Des monstres qui dorment) ; Turkmènes bâillonnés et endoctrinés par l’un des régimes les plus répressifs de la planète (Business en Absurdistan) ; immigrés afghans abandonnés à leur sort en attendant de pouvoir rejoindre la Grande-Bretagne (No comment) ; condamnation à mort de Mumia Abu-Jamal pour le meurtre d’un policier américain (Toute ma vie (en prison)).

Accorder quelques minutes d’interviews à ces laissés-pour-compte, c’est leur reconnaître une humanité, leur restituer une dignité dont ils paraissaient privés. A mi-chemin entre Welcome et Le Havre, Nathalie Loubeyre filme de jeunes migrants au quotidien et les montre tels qu’ils sont : beaux, drôles, empreints d’une sérénité déconcertante. Entre deux courses-poursuites avec les CRS, ces déracinés entonnent des chansons d’amour. Comme si, au cœur de l’enfer, il était encore possible d’avoir de l’espoir. « Nous recherchons simplement un endroit digne, fait pour les êtres humains », explique l’un d’eux. Une phrase d’une simplicité bouleversante, qui fait mouche.

Ces six épopées humanitaires sont orchestrées par quelques militants, inlassables Don Quichotte prêts à affronter les moulins à vent de la corruption, de l’industrie et des intérêts géopolitiques. Au risque de s’y casser les dents – combien de coups de téléphone passés pour une seule réponse ? – et de s’y brûler les ailes. Le lieutenant-général Roméo Dallaire, mandaté par l’ONU en 1993 pour faire face à la guerre ethnique et au génocide rwandais, revient dix ans plus tard sur les lieux du massacre. Dans sa poche se trouve une petite boîte d’antidépresseurs dont il ne se sépare plus, pour ne pas sombrer dans la folie et le désespoir.

C’est justement de folie dont il est question dans ces documentaires. Folie des hommes politiques, à l’image de ce dictateur turkmène qui joue les guides spirituels et rédige son propre livre saint, le Ruhnama. Folie de ces extrémistes hutus qui exterminent leurs concitoyens à la machette « car on n’utilise pas une arme à feu pour tuer une vipère ». Folie de ces dirigeants d’entreprises prêts à tout pour engranger davantage de bénéfices. Comme le dit si bien l’un d’eux : « Les affaires sont les affaires, et les droits humains sont les droits humains ». Avec de tels raisonnements, on ferait rentrer un cachalot dans une boîte d’allumettes.

Chaque film parvient à apporter un éclairage nouveau et saisissant sur un sujet donné, y compris lorsque ce dernier a été battu et rebattu. Il ne s’agit nullement de se repaître du malheur d’autrui, mais d’ouvrir les yeux sur des problématiques contemporaines qu’il n’est plus possible d’ignorer. Sans cela, les « droits de l’homme » risqueraient de devenir, doucement mais sûrement, de beaux symboles vides de sens.

Les 6 documentaires :
J’ai serré la main du Diable : un film de Peter Raymont (2004 – Couleurs – 91 mn)
Des monstres qui dorment : un film de Markus CM Schmidt et Jan Bernotat (2006 – Couleurs – 94 mn)
Business en Absurdistan : un film d’Arto Halonen (2007 – Couleurs – 90 mn)
L’affaire Coca-Cola : un film de Germán Gutiérrez et Carmen Garcia (2009 – Couleurs – 86 mn)
No comment : un film de Nathalie Loubeyre (2008 – Couleurs – 53 mn)
Toute ma vie (en prison) : un film de Marc Evans (2008 – Couleurs – 94 mn)

Edité par Bodega Films


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