Un côté moralisateur désagréable
Nonobstant son caractère anti-patriarcal et féministe outrancier, ce premier long métrage a beaucoup de charme surtout en matière d’observation de la nature et des rapports humains dans ce coin perdu du Costa Rica. Mais le film devient vite pesant avec sa moraline sous-jacente puisque la réalisatrice d’à peine 34 ans ose écrire en exergue du dossier de presse : « Je veux donner aux femmes l’élan nécessaire pour explorer leur moi intérieur au lieu de répéter les schémas machistes ». On ne fait plus de cinéma subtil de nos jours, il faut toujours y aller avec de gros sabots en paraphrasant mal Simone de Beauvoir. Ce côté donneur de leçon est assez fatiguant, on doit le relever. Présenté au festival de Cannes l’année dernière à la Quinzaine des Réalisateurs, Clara Sola serait sans cela un beau portrait de femme. Clara, qui s’appelle elle-même Sola, est une jeune femme qui vit avec sa famille dans une maison retirée près de la forêt. Elle souffre d’une scoliose très grave qui l’oblige à être corsetée souvent : la métaphore de la domination sur la femme ne vous aura pas échappé…
Dominée par les hommes ou par les femmes ?
Elle est surtout dominée par sa mère qui l’exploite presque comme un phénomène de foire puisqu’elle a déclaré que Clara Sola pouvait faire des miracles. Toute la maison est d’ailleurs décorée, grâce au travail d’Amparo Baeza, comme une chapelle naïve dédiée à la Vierge. Le film se terminera d’ailleurs sur des images de l’autel en feu du plus bel effet. Entre sa mère dominatrice et sa nièce au matin de ses 15 ans qui s’éveille au désir, Clara n’a qu’une véritable amie, la jument blanche du nom Yuca. Il n’y a donc pas d’homme à la maison, mais le patriarcat tant détesté est pourtant omniprésent puisque, selon la réalisatrice, il est propagé par les femmes elles-mêmes et, notamment, avec la tradition de la fête du Quinceañera au cours de laquelle les jeunes filles atteignant 15 ans se préparent au mariage, dont la nièce de Clara. Jusqu’à l’arrivée d’une jeune agriculteur, Santiago, à la beauté solaire et au calme antique qui va faire naître le désir dans le corps et l’âme bridés de Clara d’autant que sa nièce entretient une relation torride avec lui et que Clara surprend.
« Est-ce que l’amour fait mal ? »
Entre société patriarcale et monde matriarcal, la jeune réalisatrice a bien du mal à choisir et il faudrait peut-être que, à l’instar de bien d’autres, elle se considère plus comme une artiste et non comme une sociologue engagée. « Est-ce que l’amour fait mal », faisait se demander François Truffaut à l’un de ses personnages de La Sirène du Mississippi. Il en va de même ici. Si Nathalie Álvarez Mesén avait focalisé son talent sur les mystères de la nature – car elle avait ici de la matière -, elle aurait pu faire mieux que ce film bancal qui oscille sans cesse entre analyse sociologique et description de la passion charnelle. Les paysages sublimes, les acteurs fort intéressants et y compris bien sûr la belle jument blanche, l’image de Sophie Winqvist Loggins, etc., tout concordait pour un film intimiste et mystérieux. Mais le scénario qu’elle a co-écrit avec Maria Camila Arias, manque un peu de maturité et de crédibilité. C’est bien dommage.