Cinéma américain et politique depuis les années Reagan

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Introduction Le cinéma américain a toujours eu d’étroites relations avec la politique. Tout d’abord, et c’est une évidence qu’il faut néanmoins mentionner, les films d’une époque sont le reflet de la société à un moment donné : sa culture, son contexte politique, ses envies, ses doutes et ses peurs. Plus particulièrement, le succès rapide de […]

Introduction

Le cinéma américain a toujours eu d’étroites relations avec la politique. Tout d’abord, et c’est une évidence qu’il faut néanmoins mentionner, les films d’une époque sont le reflet de la société à un moment donné : sa culture, son contexte politique, ses envies, ses doutes et ses peurs. Plus particulièrement, le succès rapide de l’industrie cinématographique aux Etats-Unis a permis à un nouveau lieu de la romance, du glamour, du strass et des paillettes, d’exister : Hollywood, un lieu où les drames, les querelles de studios et d’acteurs sont aussi nombreux que les success-story. Une véritable métaphore de la politique.

Hollywood se fait remarquer après la Seconde Guerre Mondiale en devenant un symbole de la lutte anti-communiste. Walt Disney et le producteur Darryl Zanuck (dirigeant tout-puissant de la Fox depuis le milieu des années 30 aux années 50) renvoient et dénoncent les communistes , Charlie Chaplin quitte Hollywood où il est interdit de tournage. Hollywood, c’est aussi la romance entre Marilyn Monroe et John F. Kennedy, président des Etats-Unis, l’ascension incroyable de Ronald Reagan, acteur de séries B dans les années 40 et 50 qui devient président de son pays en 1981. Ces faits ne sont que les plus marquants de la politisation de Hollywood, ou du moins, des liens entre l’industrie cinématographique et le monde politique.

Au-delà des simples relations entre ces deux mondes, il est intéressant de remarquer l’impressionnante importance de la politique dans le cinéma américain : critiques mais aussi vénération pour ce qui est, aux yeux des américains, une fierté et le symbole de la réussite de leur démocratie. Déjà pendant la Seconde Guerre Mondiale, Hollywood produisait des films de propagande pour rallier la population derrière son combat du Bien contre le Mal.

Cette tendance est réapparue dans les années quatre-vingt durant les deux mandats de Reagan à la Maison-Blanche. Si on peut dire que ces films appartiennent aujourd’hui à une autre époque, le cinéma américain reste très attaché à ses institutions politiques, qu’il met en scène dans des centaines de films. En fait, si la politique est un sujet constant du cinéma américain, on peut voir une certaine évolution dans son traitement. Indéniablement, l’arrivée de Reagan au pouvoir marque un tournant. L’ « America’s back » du nouveau président va complètement transformer les productions cinématographiques. Chaque nouveau mandat de président coïncide étonnamment avec une évolution de l’approche de la politique au cinéma. Je m’efforcerai donc de définir quelle influence la politique a sur le cinéma américain depuis les années 80, mais aussi de montrer que le cinéma a petit à petit décidé d’avoir un rôle à jouer dans la politique des Etats-Unis, une tendance qui s’est accentuée ces dernières années et qui n’a jamais été aussi forte depuis le mandat de Georges W. Bush.

Partie 1: L’influence de la politique sur le cinéma

L’influence de la politique sur le cinéma peut être étudiée de façon presque chronologique. Comme on pourra le voir plus loin, la période reaganienne est ce que qu’on pourrait qualifier de caverne d’Ali Baba pour démontrer l’influence de l’idéologie politique américaine des années 1980 sur les productions hollywoodiennes. Après la profusion de films de propagande parfois révisionnistes et racistes sous Reagan, le mandat de Georges Bush verra une évolution des films d’action, amorcée par la fin de la Guerre Froide, mais aussi l’apparition des premières parodies des films à succès des années 1980. Les deux mandats de Bill Clinton semblent avoir une influence définitivement plus glamour : la politique américaine et ses institutions sont plus souvent mises en scène dans des comédies, comédies romantiques, qui portent un œil admiratif sur le système. Le mandat de Georges W. Bush est probablement plus intéressant à traiter dans la seconde partie, car il est caractérisé par la montée en puissance des films à but politique.

Chapitre 1: Les films d’action sous Reagan

Il est inutile de vouloir être exhaustif concernant l’influence de la politique sous Reagan sur le cinéma américain. Dans les Cahiers d’histoire immédiate (n°10, automne 1996), l’article Le cinéma américain sous Reagan est assez catégorique : « Etudier l’histoire immédiate des Etats-Unis implique donc d’interroger son cinéma. Néanmoins, analyser en quoi le cinéma sous Reagan peut éclairer l’histoire des années 1981-1989 est une question beaucoup plus complexe qui exige quelques précautions d’usage. Il est d’abord nécessaire d’établir un corpus, c’est à dire avoir une connaissance presque exhaustive des quelque 2000 à 2500 films sortis sous les deux mandats Reagan, tout en sachant qu’il sera sans doute impossible de ne pas déborder d’au moins dix ans avant et après cette période. ».

Je n’aurai pas la prétention de posséder un tel niveau de connaissance. Néanmoins, l’article, dans son introduction, met en avant un point important de l’étude de la période reaganienne : le besoin de « refus de toute sélection esthétique ou artistique car les films commerciaux ont autant à dire sur leur époque que les films intellectuels, mais de manière différente ». C’est justement les blockbusters des années 80 qu’il est intéressant d’étudier, et plus particulièrement l’arrivée des films d’action dans les salles de cinéma, qui tranche avec les films catastrophes des années 1970 et les westerns déjà plus anciens. « A son discours d’investiture, le président a laissé dégager deux idées au-delà de la pure politique (et les pratiques politiques n’intéressent que rarement le domaine cinématographique). Premièrement, la volonté d’une révolution reaganienne qui comportait certes la réduction de la fiscalité et le réarmement mais aussi un retour à des valeurs morales selon lui bafouées : travail, famille et patrie ».

On peut différencier deux types de films d’actions :

• Les grosses productions financées par les majors.

• Les films qui sortent directement en vidéo-club.

Ces deux méthodes de production ne sont absolument pas dues au hasard. Si les majors ont intérêt à financer des films à gros budget pour attirer les spectateurs dans les salles, les maisons de production plus modestes comme Cannon Group (Portés Disparus, Invasion USA) ont rapidement pris connaissance du potentiel du marché vidéo. Il est presque aussi important que le cinéma. A la différence de la France, le vidéo-club est une institution aux Etats-Unis, un lieu où l’on sait qu’on va trouver des œuvres différentes. Après les films d’horreur, les films d’action des années 80 restent encore aujourd’hui la meilleure source de profits pour ces magasins.

Section 1: Rambo et Rocky

Les deux héros charismatiques des années 1980 restent indéniablement John Rambo et Rocky Balboa, tous deux incarnés par Sylvester Stallone. Tous les deux ont été les porte-drapeaux du patriotisme exacerbé par l’administration Reagan, à une époque où les traumatismes post-Vietnam durent laisser place à un excès de confiance plus ou moins factice. L’Amérique retrouve sa grandeur, ne veut se trouver aucun défaut et cultive un certain sentiment de supériorité. Les héros des films sont grands, forts, cassants, représentent le Bien, justifient la violence par la lutte contre le Mal. Leur expression verbale se résume au strict minimum, privilégiant l’action à la discussion, sauf quand il s’agit des grands discours sur la liberté et la démocratie. Entrons plus en détail dans le monde des deux symboles de ces films d’actions, Rambo et Rocky.

Rambo

La saga Rambo est très intéressante car les trois films qui la composent ne se ressemblent pas totalement et ils sont un indicateur de l’évolution des mentalités dans le temps, le premier étant sorti en 1982 et le dernier en 1988. L’image de Rambo reste cet homme, avec un bandeau rouge tenant ses cheveux, faisant face à une armée entière dans le désert d’Afghanistan ou dans la jungle. Ceci est la preuve de l’influence des deux suites de Rambo (titre original : First Blood), premier du nom. En effet, le premier opus raconte l’histoire de cet ancien du Vietnam martyrisé et traqué dans la forêt par des ripoux. Un cauchemar qui se déroule aux Etats-Unis. Si ce premier film possède déjà les bases patriotiques de ses deux suites (grandeur de l’américain qui est allé au Vietnam, justification du Vietnam), il est de loin le moins extrême dans son traitement erroné des faits. On passe à tout autre chose avec la mythique suite Rambo II (Rambo : First Blood Part II) qui va définitivement ancrer le personnage dans la pop culture américaine (on peut même se demander s’il s’agit simplement de pop culture).

Le résumé du film est parlant : Rambo retourne sauver des soldats toujours prisonniers au Vietnam. Quand le général vietnamien qui les détient tue la dulcinée de Rambo, celui-ci décide de faire justice personnellement en éliminant un par un les ennemis, sans oublier (c’était inévitable) le méchant colonel russe Padovsky. Cette suite possède tous les clichés du film d’action de l’époque : gros plans sur les bras musclés du combattant, arsenal et combats surréalistes où le héros américain, brave et prêt au sacrifice, est capable de renverser, seul, une armée entière. Pour l’occasion, le passé du personnage est révélé, une façon de le transformer en héros de la guerre : deux Silver Stars, quatre Bronze Stars, quatre Purple Heart et la médaille d’honneur du Congrès, plus haute distinction possible pour un militaire. Rambo II, en plus d’être surréaliste, joue avec les limites du tolérable : légitimation de la vengeance, révision de l’Histoire (Rambo refait le Vietnam à sa façon, les vietnamiens sont les grands méchants). Comme tous les films d’action qui l’imiteront, Rambo II est parsemé de dialogues qui valent souvent mieux qu’un long discours (les dialogues sont volontairement laissés en version originale) :

Colonel Trautman: The war, the whole conflict may have been wrong but damn it don’t hate your country for it.
Rambo: Hate? I’d die for it.
Colonel Trautman: Then what is it you want?
Rambo: I want, what they want, and every other guy who came over here and spilled his guts and gave everything he had, wants! For our country to love us as much as we love it! That’s what I want!
Murdock: "Colonel are you sure Rambo’s still in balance with the war? We can’t afford having him involved in this mission and than crack in the pressure of that hell."
Colonel Trautman: "Pressure? Let me just say that Rambo is the best combat vet I’ve ever seen. A pure fighting machine with only a desire – to win a war that someone else lost. And if winning means he has to die – he’ll die. No fear, no regrets. And one more thing, what you choose to call hell, he calls home."

Le troisième et dernier opus de la saga est très proche du deuxième: même discours (l’accroche du film : God would have mercy, John Rambo won’t!), même mise en scène. Rambo vient au secours de moudjahiddins afghans face à l’envahisseur russe. Le film se conclut sur ce texte : « ce film est dédié au vaillant peuple d’Afghanistan ». Pourtant, trois ans après ses derniers exploits, Rambo ne fait plus recette : à peine 53 millions de dollars pour un budget de 65 millions (le deuxième avait rapporté plus de 150 millions de dollars). Mais les temps ont changé : avec la fin progressive de la Guerre Froide, le rapprochement entre l’URSS et les Etats-Unis, le méchant russe du film ne tient plus la route, tout comme les films d’actions des dernières années ne tiennent plus la route.

Rocky

Il n’y a en rien à rajouter concernant la saga Rocky, tant les motivations des cinq opus sont quasiment les mêmes que celles des Rambo. Le combat de Rocky se joue, lui, sur le ring. Mais dans Rocky IV (accroche du film : When East Meets West, the Champion remains standing), le patriotisme et la propagande sont poussés à leur paroxysme. Rocky va dispenser la bonne parole, lui-même, directement chez l’Ennemi : il part disputer un match en URSS, terrasse son adversaire russe, et adresse un message clair à la population.

« En arrivant ce soir, je savais pas trop ce qui m’attendait. Je sentais que des tas de gens me haïssaient. Mais je savais pas comment il fallait prendre ça, alors je crois que dans le doute, je vous ai hais aussi. Sur le ring, il y avait deux gars qui s’entretuaient. Mais quand même, c’est mieux que vingt millions. Alors vous voyez, ce que je voulais vous dire, c’est que si moi j’ai changé, et que vous avez changé, tout le monde peut arriver à changer ! ».

Les exemples de Rambo et Rocky ne sont qu’une partie infime de ce que les majors ont été capables de produire. On peut citer également Cobra (“Crime is a disease. Meet the Cure!”), Commando, Bras de Fer, Nighthawks (“One man can bring the world to its knees and only one man can stop him”), et Tango et Cash, comme autres références.

Section 2: Le circuit parallèle des films d’action et de guerre

A cette liste non exhaustive de films produits par les majors de Hollywood, il faut ajouter les avatars de Rambo et consorts. Produits par de plus petites maisons de production, leur succès est tout aussi grand en vidéo-club. Ainsi, à côté des vidéos de Rambo, on trouve Portés Disparus I, II, et Braddock : Portés Disparus III.

La série des Portés Disparus (Missing in Action), produite par Cannon Group (aujourd’hui disparue, cette société est devenue un mythe pour les adeptes de « nanars »), est en tout point similaire à celle des Rambo (jusqu’au titre du troisième qui s’apparente au Rambo : First Blood Part II) : un ancien du Vietnam devant secourir des opprimés encore retenus au Vietnam. A la place de Stallone ? Chuck Norris, une légende des séries B. Le discours ? Le même, s’appuyant toujours sur des répliques à la subtilité douteuse : « Je mets les pieds où je veux ! Et c’est souvent dans la gueule ! ». La production de ces ersatz est bien plus prolifique, plus violente et généralement encore plus radicale que les films à gros budget. On pourra garder en mémoire Delta Force I et II, Invasion USA, Red Scorpion et The Punisher, entre autres. Le phénomène va devenir légende. Maintenant encore, tout le monde se souvient de Chuck Norris, Steven Seagal, Jean-Claude Van Damme, Dolph Lundgren ou Michael Dudikoff. Leurs films sont aujourd’hui une photographie extrême de ce que pouvait véhiculer le message politique de Reagan. Il y a encore un réel culte de la série B américaine des années 80, et les acteurs cités précédemment sont aujourd’hui considérés par beaucoup de fans comme des légendes du cinéma américain.

Pour conclure sur ce phénomène éphémère des films d’actions patriotiques, il faut préciser que ce qui a été écrit serait probablement irrecevable pour certains américains. En effet, on a tendance à sourire de ces films aujourd’hui. En France, Portés Disparus ou Rambo II passent plutôt pour des films comiques. Ce n’est pas vrai aux Etats-Unis. Ils sont encore pris très au sérieux par bon nombre d’américains. On ne peut sans doute pas comprendre quels sont les sentiments et les souvenirs des américains sur la guerre du Vietnam. Il ne faut pas non plus oublier que l’intervention actuelle des Etats-Unis en Afghanistan et en Irak redonne une légitimité au discours de ces films (les Etats-Unis, nation libératrice répandant la démocratie par intervention militaire). Même si le film à la Rambo a disparu, il est encore respecté aux Etats-Unis pour ce qu’il est et ce qu’il dit.

Si les films d’action dont on vient de parler sont vraiment les plus explicites dans la description d’une Amérique toute-puissante représentant le Bien absolu, face à des menaces représentées comme l’incarnation du Mal, d’autres films moins extrêmes laissent transparaître les influences de l’idéologie reaganienne. Quand Steven Spielberg met Indiana Jones aux prises avec des Nazis, à la recherche de l’arme absolue, dans Les Aventuriers de l’Arche Perdue (1981), ou à la recherche du Graal, dans Indiana Jones et la Dernière Croisade (1989), on reconnaît surtout dans les ennemis la menace russe de l’époque.

Section 3 : Des films plus sérieux mais tout autant polémiques

Tous ces films peuvent faire oublier que certains réalisateurs ont essayé de traiter de la guerre au Vietnam de façon plus personnelle et moins ostentatoire. Le résultat n’est pas toujours moins critiquable. D’une manière ou d’une autre, il semble que les années 1980 ont servi d’exutoire au cinéma américain pour se débarrasser des traumatismes des années 1970. Voyage au bout de l’enfer (Michael Cimino, 1978), Apocalypse Now (Francis Ford Coppola, 1979), Platoon (Oliver Stone, 1986), Full Metal Jacket (Stanley Kubrick, 1987) rendent tous compte de l’horreur du Vietnam d’une manière bien plus pessimiste que les films formatés de l’époque.

Il reste cependant une constante dans ces films : l’américain est le Bon. Même dans le très complexe Apocalypse Now, le héros campé par Martin Sheen, présenté comme une sorte d’observateur neutre du conflit, finit par adopter toutes les caractéristiques du sauveur américain. L’autre personnage emblématique du film, le colonel Kurtz (Marlon Brando), s’est reconverti en dictateur à la frontière du Vietnam et du Cambodge ; une façon de dire que les lieux sont propices à créer des dictateurs. La mission du personnage de Sheen, sans lien avec la guerre elle-même, est d’éliminer Kurtz, personnage qui n’est pas une menace pour la suite du conflit mais qui a le défaut d’être un dictateur. Le combat que mène Sheen est celui de la guerre : quels que soient les dangers, l’Amérique doit venir détruire le Mal là où il est. Certes, ceci n’est sans doute qu’un aspect du film de Coppola (bien trop profond pour être résumé en ces quelques lignes). Néanmoins, si dans la forme, ces films (sur lesquels on pourrait s’attarder sur des pages entières) sont plus élaborés que de banals films d’action, ils défendent en partie les mêmes idées, dans le fond.

Chapitre 2: Les conséquences de la fin de la Guerre Froide

Section 1: Les nouveaux films d’action

Avec l’arrêt progressif des tensions avec l’URSS, le cinéma doit s’adapter et trouver de nouveaux méchants. Ainsi, le cinéma d’action hollywoodien est directement influencé par la situation politique du pays. Le mandat de Georges Bush est marqué par cette évolution vers un cinéma d’action moins caricatural (moins reaganien), mais aussi par l’apparition de films raillant ceux de l’ère Reagan.

Les films d’action du début des années 90 s’adaptent au nouveau contexte politique. La Guerre Froide a laissé place à la Guerre du Golfe. La nouvelle menace est la dictature et les terroristes. On retrouve toutes ces nouvelles incarnations du Mal dans les blockbusters du moment : Piège de Cristal, 58 Minutes pour Vivre, Le Dernier Samaritain entre autres.

Section 2: Un début de satire

Cette évolution du film d’action permet les premières parodies des films à la Rambo. Hot Shots !2 (1993) est sans aucun doute l’exemple le plus intéressant. Le film se moque allègrement de Rambo II.

Le plus surprenant, c’est qu’on se rend vite compte que pour se moquer, par exemple, des dialogues surréalistes, le film les reprend finalement intégralement. Il y a donc une sorte de contradiction dans ce film comme dans les autres pochades de la sorte : il ridiculise le film de Stallone mais en prend tous les défauts, pour au final, devenir un nouveau film patriotique. Dans les deux opus de Hot Shots!, la scène finale voit Saddam Hussein, décrit comme un niais maladroit, se faire tuer soit par une bombe dans sa piscine, soit écrasé par un piano à queue. Au-delà de la blague, il est indéniable que le propos de Hot Shots !2 est assimilable à de la propagande.

Dans une veine un peu plus originale, il faut évoquer Mars Attacks ! (Tim Burton, 1996) qui ridiculise l’armée américaine. Burton se paye le luxe de détruire un par un les symboles de la politique américaine, du Washington Memorial au Capitole, en passant par la Maison-Blanche, le Président et sa femme, et l’ensemble des sénateurs. Cette grande comédie se moquant du patriotisme primaire américain n’a pas vraiment bien marché au box-office : les américains, qui n’ont pas plébiscité le film, n’ont vu qu’une accumulation de mauvais goûts esthétiques, sans percevoir la satire politique.

Chapitre 3: Un héros devenu récurrent, le Président des Etats-Unis

La mise en scène du Président des Etats-Unis n’est pas une nouveauté dans le cinéma américain. Pourtant, c’est un personnage de plus en plus utilisé dans les productions hollywoodiennes. Il est devenu l’archétype du héros brillant, puissant, fédérateur, et bon. Ces caractéristiques sont d’autant plus vraies depuis l’arrivée de Bill Clinton à la Maison-Blanche en 1992. Clinton marque le retour du glamour dans la politique. Il est jeune, beau, branché (il joue du saxophone) et populaire. Il change de l’austérité du clan Bush. C’est un Président adulé (en tout cas jusqu’à l’affaire Lewinsky). Clinton a sans doute eu un rôle déterminant dans l’évolution du traitement du personnage du Président au cinéma. Il devient le héros de films de tous types : comédies, films de science-fiction, séries B et autres. On peut distinguer plusieurs traitements du personnage à travers quelques films :

• Le Président beau et romantique.

• Le Président prêt au sacrifice pour son pays.

• Le Président, un américain comme les autres.

Section 1: Un Président bon, beau et romantique

L’exemple le plus parlant est Le Président et Miss Wade (Rob Reiner, 1995).

Michael Douglas y incarne un Président à qui tout réussit : il est charismatique, il est aimé de son pays, il ne prend que de bonnes décisions. Il a moins de chance en amour. Bien entendu, il finira par trouver l’amour. Il s’éprend d’une syndicaliste venue lui présenter ses doléances, ce qui provoque un séisme politique. Mais le Président a toujours le dernier et bon mot : le happy end réconcilie les syndicats et l’administration, le Président est encore plus populaire, et il trouve une nouvelle mère pour sa fille, qu’il élevait seul (très important pour respecter l’image indispensable de père de famille). Le Président nous est présenté comme un homme qui fait face, en héros, aux exigences de la politique et aux problèmes de la vie. C’est aussi une personne plus jeune et plus séduisante que d’habitude. Michael Douglas est évidemment l’acteur idéal pour incarner ce héros.

Section 2: Un Président fédérateur et prêt au sacrifice

C’est sans doute un des Présidents qui a fait le plus parler de lui : le Président Thomas J. Whitmore d’Independance Day, ou le retour du patriotisme radical des années 1980. Avec environ 810 millions de dollars de recettes, Independance Day (sorti le 3 juillet 1996, la veille du Jour de l’Indépendance américaine) devient, à l’époque, le deuxième plus gros succès cinématographique de tous les temps après Jurassic Park. Dans le film, le Président n’hésite à piloter lui-même un avion de chasse pour essayer d’éliminer les extra-terrestres qui ont détruit la Maison-Blanche. Mais avant de prendre son envol, accompagné dans sa chasse par une bande d’américains moyens, il va, en bon Président, faire un discours du Jour d’Indépendance d’anthologie, qui restera dans les mémoires. En voici un extrait :

President Thomas Whitmore: Good morning. In less than an hour, aircraft from here will join others from around the world. And you will be launching the largest aerial battle in the history of mankind. "Mankind." That word should have new meaning for all of us today. We can’t be consumed by our petty differences anymore. We will be united in our common interests. Perhaps it’s fate that today is the Fourth of July, and you will once again be fighting for our freedom… Not from tyranny, oppression, or persecution… but from annihilation. We are fighting for our right to live. To exist. And should we win the day, the Fourth of July will no longer be known as an American holiday, but as the day the world declared in one voice: "We will not go quietly into the night! We will not vanish without a fight!" We’re going to live on! We’re going to survive! Today we celebrate our Independence Day!

Poussé à l’extrême dans ce film, le personnage du Président est généralement utilisé pour symboliser la nation. Il rappelle les devoirs de chacun, mais aussi les libertés qui seront perdues si on ne le suit pas dans ses divers combats.

Roland Emmerich, réalisateur du film, précisait tout récemment (Les années lasers, n° 106) : "Permettez-moi de vous révéler ce que personne au monde n’a perçu : Independance Day était un film 100% ironique. Les Américains l’ont pris au premier degré, et ils l’ont trouvé formidable ; les Français l’ont pris au premier degré, et ils l’ont trouvé grotesque… Mais aucun spectateur ni journaliste ne l’a abordé au second degré et n’a par conséquent senti que je me moquais ouvertement de l’Amérique"

On peut douter du « 100% ironique » ou alors Emmerich est un génie qui a réussi à se voir attribuer un budget de 75 millions de dollars par la 20th Century Fox pour réaliser une pochade sur le patriotisme américain. Mais son propos est assez juste sur la différence de perception du premier degré en France par exemple, et aux Etats-Unis.

Dans la même veine, on ne peut pas passer à côté du Frankin D. Roosevelt, campé par Jon Voight dans Pearl Harbor (Michael Bay, 2001), et sa scène culte, qui a surtout bien fait rire, sauf peut-être aux Etats-Unis. Dans un instant d’extrême gravité, alors que les grands dirigeants du pays sont encore sous le choc de l’attaque japonaise à Pearl Harbor, Roosevelt, héroïque, parvient à quitter son fauteuil roulant et à se tenir debout :

General: Mr. President, with all due respect, sir… what you’re asking can’t be done.
[President struggles and gets out of wheelchair]
President Franklin D. Roosevelt: Do not tell me it can’t be done.

Pour conclure, on n’oubliera pas de mentionner le Président de Air Force One (Wolfgang Petersen, 1997) campé par Harrison Ford, qui parvient, seul, à se sauver, lui et sa famille, d’une prise d’otage dans son Boeing 747.

Section 3: Le Président, un américain comme les autres

Le Président a une autre particularité importante : s’il réussit tout ce qu’il fait en politique et en gestion des crises, il est confronté aux mêmes problèmes personnels que l’américain moyen. Pour ces problèmes, il n’a en général pas de solution immédiate, mais les actions qui vont lui permettre de les régler nécessiteront courage, valeurs, et confiance en soi, sans oublier la retenue inhérente à sa condition d’homme public. Le message est simple : il faut ressembler à cet homme, il faut agir en Président. Ce trait du Président de cinéma se retrouve dans de nombreux exemples. Dans les deux cas précédemment cités, le Président doit faire face à des épreuves difficiles : le célibat, l’absence de mère pour sa fille, la mort de sa femme. Mais on peut aussi s’attarder sur la comédie Président d’un Jour (Ivan Reitman, 1993), où l’image du Président est celle d’un average Joe (l’américain moyen). Kevin Kline y incarne Dave Kovic, un sosie du Président, qui se voit engager pour une durée indéterminée par la Maison-Blanche, quand ce dernier est victime d’une attaque cardiaque le laissant dans le coma. Malgré des conseillers mal intentionnés qui veulent se servir de lui pour remodeler le gouvernement selon leurs désirs, Dave commence à remplir les devoirs du Président. Le quidam devient rapidement un dirigeant exemplaire, philanthrope, finissant même par aimer et séduire la First Lady. Au fil de l’histoire, Dave doit bien sûr faire face à tous les tracas d’un Président, et se rend compte que ses problèmes restent les mêmes à la Maison-Blanche. Le film dévoile le Président qui existe en chacun de nous, à travers un conte de fée comique mais pas innocent, et donne une image humaine à l’homme le plus puissant du monde.

Le Président est la figure ultime de l’américain tel qu’il doit être. Pas étonnant qu’ainsi présenté, il soit un personnage si populaire du cinéma américain.

Chapitre 4: Les biographies politiques

Voici un exercice apprécié par le cinéma américain. Hollywood a déjà produit de nombreux portraits d’hommes politiques ou des reconstitutions de moments historiques de la politique américaine. A titre de comparaison, c’est un symptôme, qui, en France, est quasiment inexistant. Le risque de la biographie historique est de ne présenter qu’une réalité partielle, et de romancer le récit. C’est ce qu’ont reproché certains proches de François Mitterrand à la sortie du Promeneur du Champ de Mars. Les débats, les conflits, sur la moindre phrase du scénario ont de quoi décourager les futurs réalisateurs français. Certains disent qu’il était trop tôt pour évoquer un personnage politique mort il y a moins de dix ans. Mais on peut quand même penser, à la vue du scandale qui guette toute tentative d’intrusion dans la vie personnelle des hommes politiques français, que ce type de film n’est pas toujours vu d’un très bon œil. En France, on a le droit, au mieux, à de multiples biographies romancées de Napoléon, ou à des téléfilms sur la Seconde Guerre Mondiale, qui se payent en plus le luxe de faire scandale, dès qu’un élément historique paraît être transformé ou éludé.

Aux Etats-Unis, le problème est un peu différent, étant donné que la politique n’est pas un sujet aussi tabou qu’en France. Pour cette raison, les faits et les hommes politiques récents sont des sujets de films. Oliver Stone s’attellera même à son Nixon (le tournage débute en mai 1995), exactement un an après la mort de l’ancien Président. Alors que ce serait impensable chez nous, des hommes politiques encore vivants sont les héros de fictions politiques. Pierre Salinger, par exemple, se sera donc vu à l’écran, sous les traits de Kelly Connell, dans 13 jours (Roger Donaldson, 2000), film relatant la crise de Cuba de 1962.

Section 1: JFK

John Fitzgerald Kennedy a été le sujet d’un film évènement en 1991 : JFK d’Oliver Stone. Le film a généré une polémique. On a reproché à Stone d’avoir introduit des informations inventées, pour créer une thèse fantaisiste sur l’assassinat de Kennedy. Il n’y a donc pas qu’en France que le film politique fait débat. Mais le détail marquant dans cette histoire, c’est qu’il est finalement toléré de romancer et d’inventer des faits qui concernent un personnage réel. C’est probablement ce qui différencie les Etats-Unis de la France. Chez nous, tout écart à la réalité des faits serait jugé intolérable, d’où la quasi impossibilité de faire des films sur des personnages ou des faits trop récents. Aux Etats-Unis, ce n’est un problème que lorsque l’image du personnage en pâtit. Mais si la mise en scène de la réalité est flatteuse, les critiques cessent.

Pour s’en persuader, il suffit de prendre l’exemple de Primary Colors.

Section 2: Déjà un film sur Bill Clinton

Primary Colors (Mike Nichols, 1998) raconte la campagne présidentielle du Gouverneur Jack Stanton, joué par John Travolta. Le nom a été changé mais le film romance réellement le parcours et la campagne de Clinton en 1992. Pour l’occasion, Travolta s’est teint les cheveux en gris pour ressembler le plus possible au modèle affiché. Emma Thomson en sosie de Hillary Clinton est plus vraie que nature. Le long-métrage, sorte d’hymne à la réussite de Bill Clinton, paraît être un long film promotionnel pour le parti Démocrate. C’est, d’une certaine façon, un objet de propagande qui n’aura pas choqué outres mesures.

Chapitre 5: Le monde politique dans la fiction

Section 1: Le thriller politique

Présidents et hommes politiques existants ne sont pas les seules cibles de Hollywood, qui se passionne également pour l’envers du décor, les coulisses du pouvoir. Primary Colors donnait déjà un aperçu des coulisses d’une campagne présidentielle. Sur des bases plus ou moins fantaisistes, les scénaristes de Hollywood aiment faire évoluer leurs héros dans un monde politique mystérieux, où les traîtres ne sont jamais très loin, où complots et règlements de comptes sont courants. Au final, il y a tout un éventail de films traitant, chacun à leur manière, des coulisses de la politique.

Récemment, Un crime dans la tête (Jonathan Demme, 2004) racontait comment un candidat à la vice-présidence se faisait passer, avec l’aide d’une grande firme ayant des intérêts peu reluisants, pour un héros de la guerre du Golfe afin d’ embellir son image. Dans Manipulations (Rod Lurie, 2000), c’est une femme nommée vice-présidente qui doit faire face à un scandale sexuel lancé par le chef du parti adverse. On peut voir les références à l’affaire Enron pour le premier, et l’affaire Lewinsky pour le second. Ces fictions sont généralement inspirées de faits réels qui permettent d’imaginer des scénarios encore plus machiavéliques. Dans la même catégorie, on pourra citer A la poursuite d’Octobre Rouge (John Mc Tiernan, 1990), U.S.S. Alabama (Tony Scott, 1995).

Section 2: La comédie politique

Elle est souvent plus pertinente et réaliste que le thriller politique. Sorte de satire politique, elle pointe du doigt les abus et les dérives. Bullworth (Warren Beatty, 1998) et Des hommes d’influence (Barry Levinson, 1997) représentent bien ce genre de cinéma.

Dans Bullworth, un sénateur désabusé engage un tueur à gages pour être tué. Dans le laps de temps qui lui reste à vivre, il décide de dire toute la vérité sur les mensonges, tromperies et questions de gros sous de la politique. A sa grande surprise, sa cote de popularité remonte. Bullworth est un film complètement décalé qui traite des obligations politiques et de leurs limites : jusqu’où peut-on aller pour défendre ses intérêts à l’insu de la population ? Le mensonge en politique est-il une règle nécessaire et suffisante pour communiquer avec ses électeurs ?

Des hommes d’influence présente un conseiller politique chargé de créer un faux conflit en Albanie pour permettre au Président de rebondir après un scandale sexuel, deux semaines avant les élections. Avec l’aide d’un grand producteur hollywoodien, il va méticuleusement confectionner de fausses vidéos et des preuves truquées. Dans la même veine que Canadian Bacon de Michael Moore, avec un humour noir prononcé, Des hommes d’influence aborde le thème de la manipulation de l’information par l’administration. Débat récurrent dans la réalité, la manipulation des médias est de nouveau au goût du jour avec des chaînes comme Fox News (voir Outfoxed). Le film, à la fois drôle et sombre, fait soudainement réaliser que de telles histoires sont peut-être possibles. Voici quelques dialogues assez parlants :

Stanley Motss: The President will be a hero. He brought peace.
Conrad Brean: But there was never a war.
Stanley Motss: All the greater accomplishment.
Conrad Brean: What’s the thing people remember about the Gulf War? A bomb falling down a chimney. Let me tell you something: I was in the building where we filmed that with a 10-inch model made out of Legos.
Stanley Motss: Is that true?
Conrad Brean: Who the hell’s to say?
Conrad Brean: I’m in show business, why come to me?
Stanley Motss: War is show business, that’s why we’re here.

Section 3: Les autres films

Les principaux types de traitement de la vie politique américaine au cinéma ont été vus précédemment. Mais le monde politique est le leitmotiv de très nombreux films n’entrant pas dans ces catégorie, de la comédie romantique (First Daughter, Chasing Liberty), au film d’action (Le Chacal, Dans la ligne de mire) en passant par les comédies (Les Rois du Désert, Président par accident, Y a-t-il un flic pour sauver le président ?), les comédies dramatiques (Forrest Gump, The Assassination of Richard Nixon, Max), les films fantastiques (X-Men 1 et 2, Hellboy, etc.).

Section 4: Parenthèse sur les séries télévisées

Une parenthèse semblait s’imposer, car les séries télévisées ont acquis, ces dernières années, une certaine respectabilité, sans doute grâce à plus d’originalité. De plus en plus de scénaristes et réalisateurs de cinéma se penchent sur le petit écran. La télévision n’est plus considérée comme un sous-produit du cinéma.

La fin des années 1990 a vu l’émergence de séries télévisées, qui comme le cinéma, ont pour sujet la politique. Le public américain est très friand de séries. La politique se retrouve dans tous les genres. La sitcom Spin City (1996-2002) raconte le quotidien des conseillers du Maire de New York ; la série dramatique West Wing (depuis 1999) suit le mandat d’un Président, incarné par Martin Sheen ; dans 24 heures chrono (depuis 2001), un agent d’une cellule anti-terroriste a 24 heures pour déjouer un attentat visant un candidat à la Maison-Blanche.

Conclusion de la première partie

A travers les années, le cinéma s’est largement inspiré de la politique pour produire des films plus ou moins réalistes. A la vue de la multitude de films ayant pour toile de fond le monde politique, on ne peut que constater la fascination évidente de l’Amérique pour ses institutions. Il est peut-être regrettable que les quelques satires politiques n’aient pas un très grand succès auprès du public, qui préfère de loin les comédies et les thrillers politiques, bien plus consensuels. Le spectateur américain (en général, car il ne faut pas faire d’amalgames) prend-t-il seulement en considération la satire politique, à une époque où des films comme Rambo ou Independance Day semblent être encore massivement appréciés ?

Partie 2: L’influence du cinéma sur la politique

Introduction à la deuxième partie

N’y a-t-il qu’aux Etats-Unis que de telles choses arrivent ? Ronald Reagan, acteur de série B devient un des Présidents des Etats-Unis les plus aimés de son pays. Hollywood récidive en 2003 : la star de films d’actions d’origine autrichienne, Arnold Schwarzenegger, devient le 38ème Gouverneur de Californie. Qui aurait pu prévoir, il y a vingt ans, que le Terminator allait devenir le « Gouvernator » ? L’exemple de Schwarzenegger est représentatif de l’envie du monde du cinéma d’entrer dans le monde de la politique. Le Gouverneur a d’ailleurs largement profité de son expérience cinématographique en fondant sa campagne sur l’image que les électeurs avaient de lui dans ses films, un coup marketing pour le moins réussi.

Tout paraît possible aux Etats-Unis. Mais tout le monde ne s’appelle pas Schwarzy. Comment le cinéma veut-il, peut-il, et doit-il jouer un rôle dans le monde politique ?

Chapitre 1: Quand Hollywood sert son gouvernement

Section 1: Un pool de réalisateurs inattendu

Au début d’octobre 2001, quelques jours à peine après les attentats du 11 septembre, l’Institute for Creative Technologies de l’USC (University of Southern California) fait appel à de grands noms de Hollywood pour élaborer les scénarios plausibles de futures attaques terroristes . Les réalisateurs David Fincher (Fight Club, Alien III), Spike Jonze (Dans la peau de John Malkovich) et Joseph Zito (Portés Disparus) ainsi que le scénariste de Piège de Cristal, Steven De Souza, font partie de l’équipe présente à l’ICT. Ce colloque est financé par le Pentagone.

Depuis le 11 septembre, Washington ne cache plus son intérêt pour ces têtes pensantes de Hollywood, alors que certains d’entre eux, comme David Fincher, étaient conspués par le gouvernement avant qu’ils ne deviennent apparemment nécessaires à la lutte anti-terroriste. Le cas de Joseph Zito est lui assez intéressant : réalisateur de quelques films hautement patriotiques dans les années 80, il avait disparu de Hollywood depuis 1989 et son dernier « chef-d’œuvre », Invasion USA. C’est pourtant avec cette réputation de réalisateur de navets que Zito se voit sollicité pour participer à l’étude extrêmement sérieuse du Pentagone. A travers cet exemple, on retrouve cette tendance américaine à prendre très au sérieux la vision que Hollywood a du monde. Presque officiellement, le gouvernement admet prendre en compte l’avis de personnalités travaillant pour la fiction pour résoudre des problématiques réelles.

Il est indéniable que le 11 septembre marque un tournant dans le rapport entre cinéma et politique. Cela ne signifie en aucune façon que le cinéma n’avait pas eu d’influence sur la politique avant cette date. Mais les événements du 11 septembre ont été assez marquants pour qu’un parallèle soit rapidement fait entre eux et des films déjà existants, qui au lendemain du drame, paraissaient prémonitoires. Subitement, ce qui n’était pas croyable le devient (des attentats de cette envergure ne pouvaient exister qu’au cinéma). Hollywood devient très rapidement une nouvelle capitale politique.

Section 2: Imagination hollywoodienne prémonitoire

Couvre-feu (Edward Zwick) est sans doute un des films qui a suscité le plus d’intérêt au lendemain des évènements du 11 septembre. Sorti en 1998, il raconte les heures qui suivent un attentat terroriste de grande envergure perpétré par une organisation islamiste à New York, ou comment un Etat se sentant subitement menacé donne le contrôle de la ville à l’armée, qui arrête et torture arbitrairement le moindre suspect. Moyennement bien accueilli par la critique et peu impressionnant comparé aux grosses productions, le film reste méconnu. Il fait rapidement parler de lui après les attentats de 2001 par ses similitudes troublantes avec la réalité : même type d’attentat, même type d’arrestations.

Chapitre 2: La montée en puissance du cinéma contestataire

Force est de constater que les films critiquant ouvertement la politique américaine se multiplient depuis la fin des années 1990. Leur succès est également croissant.

Section 1: Michael Moore, la figure incontournable de ce cinéma

Pour se convaincre de cette montée en puissance, il suffit de comparer les résultats au box-office américain et mondial des films de Michael Moore avant et après le 11 septembre. Fini le patriotisme ostentatoire, le cinéma polémique explose tout sur son passage et cartonne dans le monde. A commencer par Michael Moore. Son brûlot anti-Bush, Fahrenheit 9/11, rafle la Palme d’Or à Cannes en 2004. C’est la reconnaissance d’un nouveau genre et la volonté d’implication affichée du cinéma mondial (représenté par le Festival de Cannes) dans les grandes questions politiques. Aujourd’hui, Moore est devenu le symbole du cinéma américain contestataire. Il alimente son propre mythe en dénonçant le mauvais traitement que reçoit son film de la part de Disney, son distributeur, qui cherche à empêcher ou retarder sa sortie aux Etats-Unis, pour des raisons que Moore pense être politiques. C’est grâce au réalisateur que Georges W. Bush, Condoleezza Rice et Donald Rumsfeld remportent leurs premiers trophées cinématographiques…aux célèbres et très sérieux Razzie Awards 2005 récompensant les pires performances, dans les catégories Pire acteur, Pire couple et Pire acteur de second rôle. Michael Moore n’en a pas fini avec les dysfonctionnements politiques de son pays : il tourne actuellement Sicko, documentaire sur le système de santé américain ; Fahrenheit 9/11 ½, suite de l’atomisation de l’administration Bush, est en pré production.

Section 2: La formule de Michael Moore

Le phénomène Michael Moore est apparu en quelques années. Personnage déjà connu aux Etats-Unis et au Canada, il bouleverse le Festival de Cannes avec Bowling for Columbine en 2002 et devient une sorte d’icône de la dénonciation des dysfonctionnements de l’Amérique en Europe. Chouchouté et encensé en France, on évite de parler des méthodes de travail dans son équipe, réputées être aussi douteuses que celles de l’administration Bush qu’il passe son temps à ridiculiser. Reste qu’avec cynisme et efficacité, Moore délivre des documentaires corrosifs et attristés sur son pays. En l’espace de quelques années, il fait évoluer la perception des Etats-Unis outre-atlantique : le pays des rêves se révèle être un lieu à la limite du cauchemar (scandales financiers et politiques, violence, précarité absolue, inégalités multiples).

Les films de Moore ont un but largement politique. Le réalisateur ne s’en cache pas : il a clairement affirmé que Fahrenheit 9/11 devait convaincre les américains de ne pas réélire Georges W. Bush aux élections présidentielles de 2004. Alors, que dire de l’impact qu’a eu Moore ? A la vue de l’échec de son travail de sape (Bush ayant été réélu), Moore montre peut-être que le cinéma politique n’a qu’une influence limitée sur le spectateur américain (en opposition avec l’immense succès du message outre-atlantique).

Section 3: Dans la lignée de Michael Moore

Michael Moore n’est pas le seul trublion à Hollywood. Dans cette même catégorie de films qui jouent la carte de la critique acide par l’humour et le cynisme, le couple Matt Stone – Trey Parker frappe aussi très fort. On leur doit le subversif South Park (la série et le film en 1999) et le récent Team America : Police du Monde (2005), qui s’est offert le luxe d’une tentative de censure émanant de la Maison Blanche. Le premier film voit les Etats-Unis déclarer la guerre au Canada en représailles des films vulgaires qui corrompent l’esprit de la jeunesse américaine. Le thème de ce film est assez proche de celui de la seule fiction de Moore, Canadian Bacon (1995), où le gouvernement américain déclare la guerre au Canada dans le seul but de détourner l’attention de l’opinion publique de la crise économique que vit le pays.

Deux films prémonitoires de la guerre en Irak de 2003, pour ceux qui considèrent l’intervention illégitime. Team America : Police du Monde persiste dans le trash comme South Park-Le film. Inspiré de la série Thunderbirds, le film raconte les missions apocalyptiques d’un commando de marionnettes américaines chargées de détruire tout ce qui ressemble de prêt ou de loin à des terroristes (peau mate, barbe noir et turban autour de la tête). C’est l’occasion pour eux de démolir la moitié de Paris et du Caire pour la bonne cause et d’attendre ensuite les remerciements des innocentes population sauvées grâce à eux. Ce film, inspiré des événements récents, ne se contente pas d’attaquer la politique étrangère américaine, mais s’en prend également aux grandes figures de la lutte anti-guerre hollywoodiennes : Michael Moore, Sean Penn, Tim Robbins, Susan Sarandon et Alec Baldwin en tête, qui se font empaler, démembrer ou encore brûler vifs par la fine équipe, après avoir donné leur soutien à Kim Jong Il, grand ami de l’Amérique. De quoi réconcilier tout le monde.

Section 4: Accumulation des documentaires politiques

Il faudrait être aveugle pour ne pas se rendre compte de la prolifération des documentaires politiques depuis l’arrivée de Georges W. Bush au pouvoir et surtout le 11 septembre 2001. Depuis cette date, les américains se sentent plus que jamais concernés par les questions politiques. Pour essayer de contrebalancer l’élan patriotique poussé à son extrême et le soutien massif au Président Bush, des cinéastes se lancent dans de grandes investigations sur les dessous peu reluisants de la politique. En ressortent la plupart du temps des révélations et des critiques qui mettent sérieusement en question la crédibilité du Président actuel. Passons sur le bien-fondé de ces révélations et critiques, le plus intéressant est de constater que pour la première fois, la politique, un homme, et son administration, sont publiquement critiqués, alors même que le peuple américain, en grande majorité, vient de leur redonner sa confiance.

Les documentaires politiques qui s’en prennent à Bush s’attardent en particulier sur les raisons qui l’ont poussé à intervenir en Afghanistan et en Irak, sur l’importance de sa foi dans ses décisions politiques, et ses liens avec de grandes firmes et lobbys américains.

Des films comme Le monde selon Bush (William Karel, 2004) et Uncovered : Tout sur la guerre en Irak (Robert Greenwald, 2003) fournissent de multiples informations sur Bush, avec une argumentation plus rigoureuse que celle de Michael Moore. La critique est aussi forte.

Outfoxed : La guerre de Rupert Murdoch contre le journalisme (Robert Greenwald, 2004) s’intéresse à la chaîne Fox News, propriété du magnat Rupert Murdoch, acquise à la cause du Président Bush. Greenwald montre comment Fox News ment à ses téléspectateurs, use de la propagande sans même s’en cacher, et maintient ainsi la fibre patriotique, et surtout pro-Bush, chez des spectateurs trompés ou déjà convaincus.

Chapitre 3: La critique politique dans la fiction

La critique politique dans la fiction n’est pas quelque chose d’évident, pour des raisons qui, elles, sont évidente. Si les critiques très ciblées sont rares, le cinéma de fiction se permet de faire des allusions à la politique du pays, mais continue surtout à accumuler les films à la portée politique plus universelle : en particulier, la lutte contre le totalitarisme.

Section 1: Le totalitarisme pointé du doigt

Ce titre peut sembler un peu pompeux et inutile. En effet, le totalitarisme, en soi, est loin d’être une menace pesant sur les Etats-Unis. Mais si dans les années 80, les films traitant du totalitarisme faisaient clairement partie de la propagande de la Guerre Froide, ils constituent aujourd’hui une critique de certains travers de la politique aux Etats-Unis : discours va-t-en-guerre, manipulation de l’information, vie privée de plus en plus contrôlée. Voici quelques exemples qui me paraissent intéressant de traiter :

Brazil

Le film de Terry Gilliam date de 1985 mais est sans conteste la référence du genre. Gilliam y raconte l’histoire d’un homme qui va essayer de se rebeller contre un Etat totalitaire, dont il est l’un des moteurs. Le film, même s’il est de 1985, ne paraît pas s’en prendre uniquement à l’ennemi de l’Est. Rien dans le film ne laisse apparaître le lieu de l’action. Pourtant, la simple présence de grands centres commerciaux dans la ville où se déroule l’action, additionnée à l’esthétique « Rowing 20’s » peuvent laisser penser que le réalisateur voulait en partie toucher les Etats-Unis, et portait un regard lucide sur la façon dont les autres films de l’époque faisaient partie d’une propagande au service du message politique et militaire de Reagan.

Dix-sept ans plus tard, on peut noter la sortie de Equilibrium (Kurt Wimmer, 2002), presque inconnu en France et peu connu aux Etats-Unis. C’est une copie presque conforme de Brazil modernisée. Sous-estimé pour sa ressemblance superficielle à Matrix, le public est passé à côté de cette belle vulgarisation du message de Gilliam (un film définitivement plus accessible que Brazil).

Starship Trooper

Réalisé par Paul Verhoeven (Basic Instinct) en 1997, c’est un des meilleurs exemples récents de film incompris. La sortie d’un film de Paul Verhoeven est toujours, aux Etats-Unis, un évènement en soi, dans la mesure où son plus grand plaisir est de régler ses comptes avec la société américaine. A sa sortie, Starship Troopers se retrouve au centre d’une violente polémique : selon certains critiques américains, le film fait l’apologie du nazisme. Pour illustrer ce déchaînement médiatique, on peut citer la critique du très patriotique et conservateur bimensuel New American par William Norman Grigg : « Starship Troopers fait fièrement l’apologie de la mondialisation, du féminisme radical et –incroyablement- du fascisme. Starship Troopers, c’est la rencontre de Aliens et de Nurember 90120 (référence à la série Beverly Hills, 90210, ndlr), c’est une bande de jeunes et très beaux fascistes faisant la guerre à des insectes doués d’intelligence ». Le film s’apparente, il est vrai, à une énorme propagande militaire, dans un style visuel volontairement proche de l’esthétisme nazi. Ce que ces journalistes ne remarquent pas, c’est que cette propagande surréaliste est en réalité une critique acerbe de la propagande véhiculée par les films de guerre des années 80 tels que Rambo II. De telles critiques sont symptomatiques des médias conservateurs américains : si le patriotisme est attaqué, ce sont les Etats-Unis qui sont menacés.

Section 2: Le début des allusions à l’administration Bush (fils)

Les américains sont fiers de leur politique (au sens de politics et pas policy). Elle est, pour les plus patriotiques d’entre eux, garante de la démocratie aux Etats-Unis et dans le monde. Dans son dernier film, Land of Plenty (2004), Wim Wenders fait le triste constat d’un pays qui, aveuglé par sa peur du terrorisme, se lance trop tard dans une pseudo lutte contre la menace étrangère et en oublie ses vrais problèmes. Le héros, sorte de mercenaire qui voit des complots terroristes partout, parcourt les rues de Los Angeles à bord de sa camionnette, à la recherche d’une crise imminente type 11 septembre. Obsédé par sa quête désespérée et tardive, il ne voit pas que la vraie crise est juste en face de lui : la loi de la rue, la faim, les sans-abri, un Etat plus préoccupé par sa lutte contre l’axe du Mal que par les problèmes de pauvreté. Wenders fait un portrait sans illusion des Etats-Unis, et arrive subtilement à s’en prendre à l’administration Bush, sans tomber dans la caricature. Les allusions sont discrètes (tout juste un discours de Bush en fond sonore à la fin du film), mais la critique en sort peut-être grandie.

Section 3: Une anecdote intrigante

Land of Plenty est passé complètement inaperçu. Quand il sort en septembre 2004 en France, le film est considéré par le site Internet de référence en matière de cinéma IMDb (Internet Movie Database) comme « en projet ». Il est introuvable sur d’autres sites comme le très sérieux et complet rottentomatoes.com. Sur IMDb, après les critiques déposées par des internautes au sujet du film, la mention « post-production » apparaît. Le film va sortir en avril à Los Angeles et à New York. Si une sortie limitée à ces deux villes n’est pas une surprise (c’est ce qu’il peut arriver de mieux à un film indépendant en première semaine), l’absence totale de communication autour du film a de quoi étonner. Autant Land of Plenty n’est pas un film au potentiel commercial aussi élevé que Buena Vista Social Club, autant le fait que des sites professionnels aient pu ignorer son existence jusqu’à sa sortie dans certains pays européens peut susciter des interrogations. Etant donné la parfaite connaissance de l’évolution des projets cinématographiques dont font généralement preuve ces sites, on peut se demander si le film de Wenders n’a pas subi un traitement discriminatoire.

Chapitre 4: Quand les artistes se mêlent des questions politiques

Section 1: Des soutiens de poids ?

Depuis longtemps déjà, on a vu les hommes politiques s’entourer de personnalités du cinéma. Au-delà de l’amitié, l’intérêt pour un homme politique de s’afficher avec des célébrités est de voir sa notoriété progresser grâce à celle de ces dernières. Le grand défilé des « amis », ou parfois simplement des « soutiens » a lieu lors des conventions des partis en période d’élection. Le soutien politique issu du monde du cinéma est de plus en plus médiatisé, peut-être parce que le public a plus de facilité à s’identifier ou à apprécier un acteur ou un réalisateur. Il est un fait que le public s’identifie plus facilement à un acteur qu’à un homme politique.

En 1992, Robert De Niro montait sur scène pour faire l’éloge de Bill Clinton, candidat à la présidentielle. Pour les élections de 2004, la venue d’acteurs, réalisateurs et producteurs aux conventions républicaine et surtout démocrate a été amplement médiatisée par les chaînes nationales. Sans forcément intervenir sur scène pour affirmer leur soutien, leur simple apparition à la télévision au milieu de la foule est un outil marketing important pour l’image de chaque candidat. A ce jeu, Kerry l’a emporté haut la main, bénéficiant du lobby hollywoodien anti-Bush qui s’était rassemblé autour de sa candidature. Ainsi, on a pu voir Alec Baldwin, Matt Damon, Robert De Niro, Ben Affleck, John Cusack, Martin Sheen, Paul Newman, Kevin Bacon et Michael Douglas, arpenter les allées de la convention démocrate, répondre à des interviews concernant la candidature de Kerry, ou bien encore faire des dons (30 000$ pour De Niro, 27 000$ pour Damon, 15 000$ pour Douglas et 9 000 000$ pour le producteur Steve Bing !) . Les stars supportant Bush se sont faites plus discrètes : Bo Derek et Stephen Baldwin. Les donateurs sont moins médiatisés (Kevin Costner, Sylvester Stallone), peut-être parce qu’ils ne dépensent pas autant d’énergie dans la bataille que les supporters de Kerry.

Section 2: Des initiatives contestées

Il semble néanmoins que la médiatisation des prestigieux donateurs n’ait pas eu pour effet de booster la candidature de John Kerry. Il faut dire que l’opinion publique reste partagée sur les motivations des personnalités du cinéma, qui cherchent absolument à faire entendre leur voix dans le débat politique. Il ne faut pas oublier que pour beaucoup d’américains, critiquer un président en place, qui plus est, Georges W. Bush qui reste très populaire aux Etats-Unis malgré ce qu’on peut en dire en Europe, est vite considéré comme une attaque contre le pays. Ainsi, la médiatisation de Sean Penn dans la lutte contre la guerre en Irak a été vivement critiquée, dès la fin de l’année 2002 et un séjour effectué à Bagdad. Penn s’est défendu d’aller à l’encontre des intérêts de son pays comme le rapporte cet article :

” Asked if his three-day trip to Baghdad might expose him to charges of lack of patriotism, Penn said he would be happy to debate anyone who made such accusations.

"I’m here for a simple reason, which is because I’m a patriot and an American who has benefited enormously from being an American, and because I had areas of personal concern and conscience that led me to come to Iraq.

"I believe, however I vote and whatever my perspective, that I do deserve the government I get," he said.”

Les critiques se font tout de suite plus rares quand Bruce Willis fait le déplacement en Irak pour redynamiser les troupes, et qu’il propose un million de dollars pour la capture de Saddam Hussein.

De même, la mobilisation de Martin Sheen contre cette même guerre a fait des vagues. A l’origine, avec des dizaines d’autres acteurs américains, de la pétition « Artists United to Win Without War », on le retrouve en tête de cortège lors de manifestations pacifistes à Los Angeles ou à Washington DC. Fin février 2003, il se met définitivement à dos les supporters de Bush et les journaux conservateurs en lançant un « défilé virtuel » sur la Maison-Blanche consistant à saturer ses lignes téléphoniques et son réseau Internet à grands coups d’appels ou de messages.

Si le soutien de personnalités de Hollywood peut être un atout pour les partis politiques, il peut aussi être mal interprété. Dans la lutte pour la présidence, le soutien de Kerry a été perçu comme de l’anti-patriotisme (clairement, le soutien à Kerry était plus une façon de lutter contre Bush). Ceux qui critiquent l’intervention de Hollywood dans le débat politique reprochent à ces acteurs et réalisateurs de se mettre en scène. Il est vrai que des acteurs comme Penn, Sheen , mais aussi Tim Robbins et Susan Sarandon ont l’habitude de profiter de leur notoriété et d’évènements largement médiatisés comme la cérémonie des Oscars pour déclamer toutes leurs revendications ou effectuer des missions spectaculaires, qui sont souvent plus médiatisées que couronnées de succès.

Section 3: Des interlocuteurs hors des Etats-Unis

C’est devenu une habitude depuis la venue de Michael Moore au Festival de Cannes pour Bowling for Columbine, les réalisateurs américains ont trouvé en la France un lieu où ils peuvent librement exprimer leurs pensées anti-Bush.

Ainsi, lors de sa venue à l’Etrange Festival 2004 (Forum des Images) où il bénéficiait d’une carte blanche, Roger Avary (Les Lois de l’Attraction) s’est permis un écart dans la programmation, tenant absolument à diffuser La Bête de Guerre (Kevin Reynolds, 1988), film méconnu qui dénonce l’intervention russe en Afghanistan. « L’Amérique, en cinéma ou en politique, est capable du meilleur – ce film – comme du pire – Waterworld (Kevin Reynolds également, ndlr), l’intervention des Etats-Unis en Irak. Aujourd’hui, les Etats-Unis refont en Irak ce que l’URSS a fait en Afghanistan ». Tels étaient les mots du réalisateur avant de projeter le film.

Conclusion

Les américains acceptent-ils toutes les approches de la politique par le cinéma ? L’image de la politique que véhicule le cinéma américain peut être critique ou élogieuse, il semble que la grande majorité des américains soient surtout sensibles aux films faisant des Etats-Unis une nation forte, belle et modèle. Dans les années 80, ce phénomène était généralisé et succédait à des années 70 bien plus pessimistes. Il a presque disparu, mais aujourd’hui, c’est encore ce genre de films qui fonctionnent le mieux auprès du public. Des phénomènes tels que Michael Moore auraient pu inverser la tendance. La réélection de Bush remet en question l’impact aux Etats-Unis du cinéma qui dénonce les dérives du système politique actuel. Le patriotisme semble toujours l’emporter sur la satire et la critique.

Le cinéma et la politique ont un point commun : le premier est un moyen de communication, le second a besoin de communiquer. Les années 80 sont marquées par l’utilisation répétée du cinéma au service d’intérêts politiques. Le cinéma et la politique entretiennent des relations bilatérales intenses, mais qui évoluent. Les années 90 permettent au cinéma d’inverser la tendance : de plus en plus, il prend de la distance et commence sa contre-offensive. Ce ne sont plus seulement les films, mais aussi les gens de l’industrie du cinéma qui décident de prendre part à la vie politique. Le rôle que joue Hollywood dans la politique est étrange. Il paraît à la fois important, mais semble en même temps irriter une bonne partie des américains, qui aimeraient sans doute que Hollywood se concentre sur ses films, plutôt que de s’occuper des affaires de Washington.

Depuis l’été dernier, la fameuse MPAA (Movie Picture Association of America) a un nouveau directeur, Dan Glickman, un ancien ministre de l’Agriculture de Bill Clinton . Il succède à Jack Valenti, ancien assistant du Président Johnson. Ce sont bien des hommes politiques qui dirigent Hollywood aujourd’hui. Que la MPAA, institution détentrice du pouvoir de censure, soit contrôlée par ces personnes, fait penser que les choses n’ont sans doute jamais vraiment changé depuis vingt-cinq ans.

Il me semble important, pour finir, de revenir sur un point capital concernant le sujet : il est assez délicat d’avoir un œil objectif sur la culture américaine. Clairement, nous, français, ne percevons pas les choses de la même façon que les américains. Ainsi, j’ai pu me montrer critique, parfois un peu moqueur dans ma description de certains types de films, mais je ne peux pas affirmer que ma vision est la bonne. L’opinion qu’ont les français de Georges W. Bush est globalement négative, et nous avons tendance à croire que cette opinion est partagée aux Etats-Unis, ce qui est complètement faux. De la même manière, juger de la perception des films dont j’ai eu l’occasion de parler par les américains serait hasardeux. Mais je pense qu’il était intéressant justement de faire cette étude à partir de mon point de vue après la phase de recherche. Car si j’ai pu omettre ou me tromper sur certains faits, ou aspects du sujet, mes erreurs seront le reflet, je crois, des erreurs que la plupart des français commettent à l’égard des Etats-Unis.


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