Entretien avec Christopher Thompson

Article écrit par

Acteur discret et scénariste spécialisé dans le film « choral », ce « fils et petit-fils de… » passe pour la première fois à la réalisation avec « Bus Palladium ». Il y parle, comme par hasard, de « l’intensité du groupe ». Rencontre…

Ne dites pas à Christopher Thompson, jusqu’alors acteur et scénariste de son (charmant) état, que Bus Palladium, son premier long métrage en forme de chronique rock et douce sur ses 20 ans, sonne comme un accomplissement. Il vous rétorquera élégamment qu’« en passant à la réalisation, il s’est senti très heureux d’être au sommet de la hiérarchie, en effet« , presqu’un peu étonné par cette plénitude même, mais que pour rien au monde il ne veut considérer cela comme une fin en soi : « cela voudrait dire alors qu’il n’y a plus rien après… ». Or, s’il y a bien une constante dans la trajectoire de cet aimable quadra, à l’allure bohème-floue de jeune homme bien né, c’est le goût des histoires, du partage, et le désir de transmission. Comme si, par les liens du sang, mais encore ceux de la « grande famille du cinéma », il fallait toujours qu’une ramification s’ajoute à une autre et/ou, surtout, qu’un film succède à un autre. Rattraper le temps, le défier, le dépasser, le prolonger. Interroger ses codes. La mélancolie tendre, un peu (trop) sage, de Bus Palladium a sans doute beaucoup à voir avec cela…

Nul hasard, en tout cas, si le petit-fils de Gérard Oury et fils de Danièle Thompson, mère prodigue avec laquelle il a quand même co-écrit six scénarios – leur meilleure collaboration restant La bûche, en 1999 – s’attaque, pour son premier exercice en solo, à une histoire collective. Située dans un passé récent, en outre, dont on sent bien qu’il l’a écrite (co-écrite, tiens donc, avec son ami Thierry Klifa) pour mieux s’en affranchir. Enfin. « Cela faisait un moment que je cherchais un sujet pour mon premier film« , reconnait-il, « il m’a semblé que j’arrivais au bon âge, nanti de la bonne distance, pour parler des serments que l’on se fait à 20 ans« . Taraudé par la nostalgie, ce fan des Stones dont l’expérience personnelle s’est construite, aussi, par le biais d’un rock band « très tôt dans l’adolescence » ? « Non« , sourit-il, « je ne voulais pas raconter la nostalgie d’une époque, on a d’ailleurs choisi d’évoquer une période vaguement située entre les années 70 et 80, peut-être 1985, mais sans la connoter de façon anecdotique« , rassure-t-il. « C’est juste que j’avais besoin de ce vécu personnel pour raconter, de cette antériorité. D’ailleurs, dans mon équipe de tournage, les deux-tiers des personnes avaient eu, eux-aussi, vécu cette expérience de groupe« .

Rock band

Légitimes, donc, pour parler du rock et… de ses clichés : « le mot rock est hyper galvaudé aujourd’hui. Il est beaucoup utilisé dans la mode, par exemple, donc je savais que c’était un terrain miné », suggère-t-il, lucide et…. bien élevé, avant même qu’on ait le temps d’en lister les écueils (la rivalité entre les deux meilleurs potes du monde que sont le chanteur et le guitariste, la fille fatale qui fout tout en l’air, la tournée en mini-van, etc.). Sans doute… parce qu’en fin connaisseur, il sait qu’une part de l’essence vénéneuse du rock, ce sont précisément ces clichés, ces postures, cette imagerie. Et puis le rock, c’est pour cet acteur rare, en retrait, pour ce scénariste discret, exerçant toujours en binôme, une manière un tout petit peu plus fulgurante que d’habitude, peut-être et contre toute attente, d’aborder un sujet fort : « ce que je voulais, à travers cette notion de groupe, c’était raconter le vertige de mes 20 ans, l’intensité de l’amitié, des serments que l’on se fait à cet âge de la vie« . Et en corollaire, bien sûr, puisqu’il s’agit pour lui d’une sorte d' »adieu aux armes », « exprimer la difficulté de ce passage, car souvent, c’est à cet âge que l’on bascule d’un destin commun à un destin individuel ».

C’est dit, encore un peu inquiet, mais presque apaisé, à… 43 ans. Sans doute parce que pour rejoindre l’âge adulte, cet ex-fan des seventies a su tracer, lentement mais sûrement, un chemin certes personnel mais quand même toujours très entouré. Pour preuve, sa compagne, la fine comédienne Géraldine Pailhas, l’accompagne dans cette nouvelle étape qu’est Bus Palladium. Et puis, à l’entendre, s’il ne devait retenir qu’une chose de cette tâche, nouvelle elle aussi, de réalisateur, c’est « le travail avec les acteurs. C’est cette communication que j’ai découverte, où chacun amène son énergie ». Une histoire, encore et toujours d’échange et d’altérité. Allez, de toute évidence, si le box-office n’est pas trop égoïste (lui), il y aura donc un après pour Christopher Thompson, cinéaste cohérent… sinon accompli.


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi