Ce pas de côté par rapport aux attentes serait donc un pas pour rien. L’occasion de le questionner, de le modeler, de le faire parler pour ce qu’il est, n’est jamais saisie. Non, simplement, si chacun, dans César doit mourir, semble déjà bien connaître son texte (et l’avoir bien répété avant de pouvoir filmer les répétitions mises en scène), c’est, comme il apparaît au début, au milieu et à la fin du film, parce qu’il y a quelque chose dans les pratiques mafieuses qui résonne avec celles du pouvoir. Ainsi, on pourra montrer un trafiquant jouant César, un autre Brutus, et tutti quanti en se satisfaisant à la fois de l’aspect tragique de la chose (par résonance) et de la fonction cathartique du théâtre.
Le grand drame du film est que rien ne semble y être au travail. L’absence de spontanéité voulue, forcée même, caractérisant certaines réflexions des prisonniers, certains élans, ou au contraire « interruptions » de répétitions, ne vient jamais questionner notre manière de regarder ces personnes. Introduisant une rupture dans la continuité, ces figures pourtant propices à des échappées ne sont là que pour renforcer une vision soutenue dès les premières images, extraites d’une captation de la représentation finale sur laquelle le film revient en bout de course. Elles sont redondantes, elles ronronnent, elles tournent en rond. L’opposition entre couleur et noir et blanc ne faisant que redoubler celle entre scène et coulisses.
Ce statisme général a pour conséquence que la dialectique mise en œuvre entre l’enserrement par l’image et la libération par le texte ne prend jamais, le tout se trouvant plombé par le poids d’une dimension illustrative. Il semblerait qu’au bout du compte les Taviani se soient laissés aller à utiliser le cadre pour réaliser leur propre Jules César, peut-être pris par des interprétations manifestement plus que satisfaisantes. Peut-être est-ce aussi une question de durée que le film ne parvient pas à embrasser, se contentant d’un format court, la réflexion sur la relation à la culture ne parvenant pas à irriguer le film, n’existant que sous une forme schématique soutenue par une vision qui elle-même enserre trop son sujet et quelques déclarations lapidaires. Bref, tout cela manque de mouvement, de bouillonnement.