Du roman culte écrit en 1939, où une petite frappe sans états d’âme tente de faire main basse sur le pouvoir criminel en place, il ne reste principalement que le décor de cette ville côtière anglaise, reconstitution surannée très carton pâte, tout en couleurs criardes, machine à sous et fête forraine. L’époque elle, a changé, déplaçant l’action en 1964, dans l’Angleterre des débuts du Swingin’ London. De la jeunesse tumultueuse britannique, nous ne verrons que les mods, groupe de dandys en baskets, perchés sur des mobylettes et fonçant bousculer une société encore très tweed et tea party.
Rose est une jeune bécasse peu aguerrie, soumise à la loi d’un père alcoolique et miséreux, tandis que Pinkie (désormais musculeux Sam Riley) est une vilaine petite frappe sans attaches ni foyer. Ces deux loosers sont les principaux attraits de ce petit film assez étrange. Loin de s’inscrire dans une veine « anglaise », où l’on attendrait une caractérisation plus fine et crédible des personnages, et dont les remous sociaux ne seraient pas qu’une simple toile de fond décorative, Brighton Rock essaye d’être un film noir, peuplé de gangsters patibulaires, d’enjeux moraux et d’amours désenchantés.
En vain, car si l’ensemble ne pêche pas par son rythme, frénétique dès l’ouverture, jusqu’à l’ultime acte de folie, c’est son inscription comme film de genre qui apparaît rapidement excessive, presque caricaturale. Le réalisateur n’arrive jamais à instaurer une ambiance sérieusement sombre, la faute principalement à une direction d’acteurs très lâche, où chacun fait son petit numéro de bandit, de garce ou de jeune vierge effarouché sans cohérence. Le maniérisme des décors, parfois ridicule, accompagné d’une mise en scène tâtonnante, tantôt inexistante, tantôt laissant la caméra virevolter dans tous les sens, rajoutent à cette sensation de vaste parodie du genre, sous couvert d’hommage à Melville et Scorsese. Sans oublier une bande son baroque et un décorum religieux terriblement kitsch, qui mettent à distance toute tentative de croyance justement.
Pourtant, ce sont aussi ces défauts, ces marques excessives qui font du film un objet aussi raté et mineur que sympathique. On se surprend à attendre le prochain coup de force scénaristique avec tendresse, ou bien la prochaine apparition d’Helen Mirren, toujours parfaite. Mais c’est surtout le jeune couple formé par Pinkie et Rose, enfants meurtris qui s’aiment autant qu’ils se détestent, qui laisse plein de regrets. Ils étaient sur le papier (et certainement dans le roman de Graham Greene) la promesse d’une liaison vénéneuse dans la lignée d’une Barbara Stanwyck et d’un Fred Mc Murray dans Assurance sur la mort. A l’arrivée, reste une petite frappe psychopathe et une dinde traumatisée. Grotesque mais attendrissant, à l’image de cette drôle de série B.