Au voleur

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Bruno et Isabelle, personnages en marge, personnages de remplacement, se rencontrent. Il vole, elle enseigne. Ensemble, ils vont partir dans une cavale au ralenti, véritable fuite au coeur de la forêt bercée au rythme de l´eau, tentative ultime d´échapper à la police.

Au bout d’un moment il n’y a que les autres pour te dire si tu es mort ou pas .

Sarah Leonor signe là son premier long métrage. Au voleur est une dérive, pas au sens situationniste du terme, mais dans celui d’une dérive poétique. Le film s’ouvre sur un poème de Rilker, formidable allégorie de la solitude dans laquelle Sarah Leonor noie ses personnages.

Bruno et Isabelle sont deux êtres en distance avec le monde. Lui est devenu invisible, se faufilant dans le silence pour dérober. Ayant fait de son travail de voleur sa façon de vivre et d’être, il survit. Elle n’est qu’une enseignante d’allemand titulaire en zone de remplacement. Sans véritable place, elle ne fait que passer là où on la met, est devenue l’ennui même. Comme la panthère dans le poème de Rilker, Bruno et Isabelle tournent en rond dans leur cage.

Ils ne savent pas grand-chose l’un de l’autre mais soudain, la police aux trousses, ils fuient. Prétexte pour traverser le miroir, ils sont à la recherche d’autre chose, basculent ensemble dans un redoutable cri d’espoir où la perspective  de trouver une issue à leur vie leur est enfin donnée. Ensemble, ils débutent une balade au grand air.

Sarah Leonor capture à merveille le silence de l’eau permettant à leur dérive de flotter. Sans traces de pas, ils s’envolent. Elle nous confie que son film est une musique : je montre un monde arrêté qui est soudain traversé par le désir. Le spectateur se laisse porter par des percussions algériennes, la musique permettant  d’avancer avec les personnages, de remonter les temps du plus contemporain au plus primitif, du plus banal au plus profond. Au voleur se construit comme une fugue musicale donnant à voir à l’écran les images que nous pourrions imaginer en fermant les yeux.
Sans aucun doute, le film de Sarah Leonor ne parle pas d’une banale histoire de voleur, mais avant tout et avec maturité du désespoir, offre avec beauté une façon de le porter. Impossible surtout de parler de violence sanglante, la violence étant avant tout psychologique, épreuve de la vie de tout un chacun.

Le duo formé par Florence Loiret-Caille (Isabelle) et Guillaume Depardieu (Bruno) fait certes timidement penser dans un premier temps à celui de Bonnie et Clyde, mais il serait peut-être préférable de voir en eux davantage une Anna Karina et un Jean-Paul Belmondo incarnant avec passion la folie de Pierrot. Les couleurs, les images, les plans, tout s’envole.

Au voleur est construit en deux temps. Un premier temps très urbain et terne, où les personnages s’enferment, n’échangent rien, une grande distance persistant entre chacun : un fils qui ne communique pas avec sa mère, un homme désabusé (magnifiquement interprété par Jacques Nolot) qui referme la porte. Puis un second temps qui éclate, qui révèle la lumière, l’espace, la beauté de la nature et des êtres. Sarah Léonor dira à propos de son film qu’il évolue sur une corde raide entre naturalisme et stylisation, il s’est imposé comme ça, instinctivement, au tournage. J’ai l’impression d’avoir trouvé un langage au cinéma qui me convient, qui vise la condensation, l’intensité . Langage,  mot tout à fait juste, que la réalisatrice crée d’images entre ciel et terre, et qui vient se déposer sur les lèvres des hommes comme un sifflement d’oiseau lorsqu’il est temps de s’échapper.

Au voleur est un film qui nous demande d’avoir le courage de nous envoler, sans avoir jamais la garantie d’une autre vie.

Titre original : Au voleur

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Durée : 100 mn


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