L’analogie, la confusion qui s’opère entre le milieu médical et celui des affaires est remarquablement menée au début du film. L’infirmier qui inocule les virus, malgré sa blouse, a tout du commercial véreux qui flatte le patient/client pour lui vendre un produit plus cher, produit lui-même marchandé à prix d’or auprès des stars. Les scènes se répètent, montrant un discours parfaitement rodé, modelé en fonction de ce que le client a envie d’entendre pour se porter acquéreur et redoublé par les brefs clips de quelques secondes de la star évanescente diffusés en boucle. Une star érigée au rang d’idole dont la moindre exhalaison devient relique précieuse. Une fascination extrême qui a tôt fait de se muer en un cannibalisme détourné sous la forme de commercialisation de steaks fait à base de tissus cellulaires. Imaginez une bonne cuisse de Robert Pattinson ou un rôti de Katy Perry.
Le monde décrit par Brandon Cronenberg a quelque chose d’effrayant car terriblement proche de nous. Il se garde bien de situer avec précision l’époque, mais on sent une proximité immédiate avec la nôtre. Malheureusement cela reste assez peu exploité par le film. Sur le papier, le projet peut faire hausser les sourcils tant il pourrait y avoir des similitudes avec le travail de Cronenberg père (les années 80 principalement). Mais Antiviral amoindrit considérablement sa dimension socio-culturelle au profit de celle du polar d’anticipation, certainement pas catastrophique, mais sans réelle grandeur. Cronenberg avait pourtant la matière pour transcender l’apparence nécessaire du thriller en transmettant l’aspect viral de son personnage principal à l’ensemble du film, comme il semble le faire en première partie dans le contraste entre la fascination et le caractère mortifère des transactions. D’un regard sur la société de consommation à l’heure de l’omniprésence des mass media, on bascule dans une histoire de contrebande technoscientifique de moindre envergure assez cliché dans sa forme et son esthétique. Clinique of course.