Richard Donner et son Superman (1978), Tim Burton et ses deux Batman, Bryan Singer avec la saga X-Men : tous ont su s’imprégner, se familiariser et mettre en image ces héros en collant de la manière la plus cinématographique possible tout en y associant des thèmes plus personnels. Edgar Wright fait partie avec Guillermo Del Toro de ces réalisateurs « geek » qui n’ont jamais réellement franchi un palier et dont les films s’adressent finalement plus à une communauté et ne touchent jamais à l’universel – ce qu’un Sam Raimi ou un Peter Jackson sont parvenus un temps à faire. Pour un brillant Shaun of the dead (2004), mélange détonant de comédie romantique et film de zombie, le reste de la filmographie si elle n’a rien de déshonorant parait quelque peu autocentrée sur cet esprit fanboy et rien ne disait qu’il allait le surmonter cette fois. Marvel aura même prouvé par l’extrême la logique précitée, les films les moins convaincants étant dûs aux "auteurs" (Thor de Kenneth Branagh ou encore Iron Man 3 de Shane Black) quand les faiseurs les plus doués parvenaient à offrir des spectacles humbles et efficaces avec les deux Captain America ou le premier Iron Man. Tout cela pour dire qu’en oubliant sa production agitée, il est tout à fait possible d’apprécier Ant-Man d’autant que Peyton Reed, s’il a commis l’impersonnel véhicule pour Jim Carrey Yes Man (2009) avait su donner une étonnante consistance au monde futile des cheerladers dans American Girls (2000) et une comédie intéressante avec La Rupture (2006).
Hormis la continuité se prêtant bien à la mode actuelle pour les séries télé, les films Marvel doivent en partie leur succès à leur modestie. La légèreté de ton, les univers bariolés et héros décontractés lancés dans des aventures trépidantes offrit une certaine alternative au sérieux plombant mal singé du Dark Knight (2008) de Christopher Nolan par la plupart des blockbusters qui suivirent. Point d’ambition de révolutionner l’histoire du cinéma avec Marvel mais plutôt l’impression d’acheter son comic hebdomadaire sur du mauvais papier, s’y détendre le temps de l’aventure et passer à autre chose en attendant la suite ce qui est finalement dans l’esprit serial que le studio ressuscite à sa manière. En y incluant une noirceur malvenue et artificielle comme dans Avengers : Ere d’Ultron la mayonnaise ne prend pas alors qu’elle triomphe dans l’excellent et insouciant Les Gardiens de la galaxie (2014).
Ant-Man revient à ses fondamentaux et à l’image des pouvoirs de de son héros miniaturisé. Les enjeux modestes mais attachés à la proximité du Marvel papier sont au cœur du récit avec sous les combats costumés un maintien ou un renouement du lien père-fille. Paul Ruud en héros maladroit et rigolard est parfait, idéalement secondé par un Michael Douglas incarnant un mentor malicieux et tout aussi attachant. L’historique du personnage d’Ant-Man est astucieusement modernisé pour le cinéma, intégrant une facette plus torturée qui se fond bien dans l’ensemble plus léger. Un peu à la manière de la prise de conscience de son héros, les effets spéciaux prennent un tour ludique puis de plus en plus impressionnant pour dépeindre l’apprivoisement du pouvoir de miniaturisation. Les gags initiaux laissent place à des effets de perspectives de plus en plus virtuoses, jouant constamment sur le chaos de l’infiniment petit qui s’avère insignifiant à échelle réelle dans un montage alterné habile. Le final amènera d’ailleurs une confusion prétexte à des scènes plus folles lorsque des objets du quotidien grossiront à leur tour, tout en introduisant une étonnante dimension métaphysique sur une des possibilités à risque du costume d’Ant-Man. Peyton Reed, peu familier de ce genre de production, s’en sort très bien avec un spectacle efficace et inventif intégrant même la continuité Marvel sans trop de dommage sur son propre film. En jugeant sur pièce et en ne se focalisant pas sur ce qui aurait pu être, une production Marvel inventive, drôle et plaisante – ce qui est l’essentiel.