Anna Halprin : le souffle de la danse

Article écrit par

Une leçon de vie, de courage et de danse. La grande chorégraphe nous apprend un secret bien filmé : il faut danser sa vie jusqu’à son dernier souffle.

Il est des films documentaires qui vous portent sur leurs ailes longtemps après les avoir vus. Il en va ainsi pour ce film sur Anna Halprin qui nous donne une leçon d’art, mais surtout de courage et de vie. Pour ceux qui ne le sauraient pas, Anna Halprin est une danseuse et chorégraphe américaine, pionnière de la danse contemporaine. Une femme qui a redéfini l’art moderne avec la conviction que la danse pouvait nous transformer et nous guérir à tous les âges de la vie. Dès les années 50, elle crée le groupe Dancers Workshop et travaille avec des artistes d’avant-garde comme John Cage et Merce Cunningham. C’est elle qui, entre autres, invente dès 1957 le principe des Tasks (scènes de la vie ordinaire comme manger, marcher, s’habiller, se déshabiller qu’on peut danser) et qui inspirera sans aucun doute des chorégraphes comme Pina Bausch ou Blanca Li.

Ce film, portrait d’une femme exceptionnelle, se présente comme un aller-retour permanent entre le mouvement et le souffle, entre l’art et la vie, avec pour seul territoire la danse, et unique injonction : « Dansez votre vie » ! En effet, cette femme de presque 93 ans, qui fut atteinte d’un cancer et qui s’est guérie par la danse, continue à danser et elle est étonnante. On constate aussi qu’elle fut à l’initiative d’un grand nombre de pièces dansées dont certaines ont complètement influencé l’art chorégraphique contemporain. Le film est construit autour de la piste de danse qu’elle a faite installer dans son jardin californien et sur laquelle, depuis des dizaines d’années, nombre de danseurs se sont entraînés et ont donné des spectacles comme celui auquel on assiste dans le film et qui lui évoque sa jeunesse, lui fait sourdre des larmes discrètes dans son beau visage à la fois ridé et d’une étonnante jeunesse. Par le biais d’entretiens ou de rencontres, Anna Halprin distille sa leçon de vie, qui est aussi une leçon de cinéma. Comment filmer l’art, la joie, la vie ? Elle le sait même si ce n’est pas elle qui tient la caméra. Il n’est que de voir ce film suisse, parfaitement bien construit, élégant et présent, offrant un portrait presque parfait d’une femme à la fois exceptionnelle et profondément humaine, donc modeste et humble, pour s’en rendre compte. Lors d’une rétrospective à Lyon, mais aussi au Centre Pompidou de Paris, on retrouve Anna Halprin avec ses danseurs dans des lieux prestigieux où elle conserve sa bonne humeur et sa joie de vivre immarcescibles.

 

Deux moments forts, parmi tant d’autres, culminent dans ce documentaire qui se laisse voir comme un excellent film de fiction, sont ceux où on la voit, à plusieurs reprises, seule en scène, nous raconter et nous danser sa vie et ses malheurs ; ou bien lorsqu’entourée d’un grand nombre de personnes âgées sur un pré, elle leur rend hommage et leur fait comprendre qu’il faut danser sa vie et danser toujours, répétant à l’envi le message que son maître à danser, Isadora Duncan, lui donne encore même longtemps après sa mort. La danse nous sauve de tout nous dit-elle, de l’ennui, de la maladie et de la mort, elle qui s’est guérie d’un cancer et qui aide maintenant encore les malades du SIDA en utilisant encore et toujours la danse. Héroïne nietzschéenne qui préconisait lui aussi la danse, on comprend pourtant mieux pourquoi il ne faudrait pas prendre à la lettre l’aphorisme du célèbre poète philosophe : peut-être n’est-il pas nécessaire d’avoir « du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse », même si la vie qu’Anna Halprin a menée, à la fois très structurée et très bohème, rappelle aux spectateurs quinquagénaires les années du Living Theater.

Titre original : Breath Made Visible : Anna Halprin

Réalisateur :

Acteurs : ,

Année :

Genre :

Durée : 80 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi