Resnais aime travailler avec son temps, son époque et la mémoire. Il aime aussi retracer les fils de la vie.
De Boulogne à Auschwitz, l’homme n’a jamais cessé de considérer le temps comme une matière. Dans Muriel, il fragmente un présent qui craquelle sous les coups de boutoirs de la guerre d’Algérie ; dans Nuit et Brouillard, il oppose au présent et au réel la hantise de la géométrie concentrationnaire. Hiroshima mon amour est l’écrin de la statufication des corps, et de la fossilisation de l’Humaine condition comme une substance grise, désacralisée et blessée.
Je t’aime je t’aime, ou comment le bégaiement d’un titre devient la matrice de la réactualisation du passé de Claude Ridder. La tragique histoire d’amour se consume dans son passé et dans l’impuissance du héros à sauver ce qui lui est de plus cher. Providence, lui, correspond au sentiment que la vie s’arrête, et à une prose cinématographique hétérogène questionnant la notion de création, une plongée dans la mémoire ainsi que la reconstruction d’expériences vécues ou fantasmées.
Entre lyrisme et cauchermar, entre passion et massacre, Alain Resnais oscille sans cesse d’un extrême à l’autre. Les films choisis dans sa filmographie, pour « le coin du cinéphile » de cette semaine, servent à définir l’insaisissable objectif, l’évanescente surprise d’un auteur, au sens noble du terme.